Chers lecteurs de Strange Reality, afin de prolonger l’étude du dossier des pygmées européens, nous allons lever le voile sur un énigmatique homme moderne préhistorique.
L’Homme de Chancelade est le nom donné à un squelette fossile d’Homo sapiens découvert en 1888 en France, à Chancelade, dans le département de la Dordogne. Ce squelette est celui d’un homme âgé (55-65 ans), de taille médiocre, daté de 15000 ans B.P. (période magdalénienne). Le squelette original de l’Homme de Chancelade et les vestiges archéologiques de l’abri de Raymonden sont conservés à Périgueux, au Musée d’Art et d’Archéologie du Périgord.

La découverte exceptionnelle de Léo Testut
En 1889, le médecin anatomiste Léo Testut publia, dans une épaisse communication d’une centaine de pages, une étude décrivant l’individu, indiquant qu’il était de taille relativement médiocre (1,50m). En outre, il avait une capacité crânienne très élevée (1 670 cm3) et un crâne fortement dolichocéphale (indice céphalique de 72).
En voici la description générale : « Il résulte de la longue étude, à la fois descriptive et raisonnée, qui précède, que le squelette recueilli dans la station magdalénienne de Chancelade appartient à un sujet du sexe masculin ; que ce sujet pouvait avoir de cinquante-cinq à soixante-cinq ans et était de toute petite taille, lm,50 environ ; qu’il avait une tête volumineuse, fortement dolichocéphale, remarquablement haute; une face à la fois très haute et très large ; des orbites également très hautes; un nez étroit et allongé; un maxillaire inférieur puissant ; des membres supérieurs relativement longs; de grandes mains et surtout de grands pieds ; des os particulièrement robustes, massifs, trapus » (Léo Testut, « Recherches anthropologiques sur le squelette quaternaire de Chancelade », Bulletin de la Société d’Anthropologie de Lyon, t. 8, 1889, p. 221).

Dans la conclusion de son rapport, Léo Testut avançait que l’Homme de Chancelade représentait une race distincte de l’Homme de Cro-Magnon : « L’Homme de Chancelade appartient-il au même type ethnique que l’homme de Cro-Magnon ? Pas davantage. Tandis que le chasseur de rennes de Chancelade était de toute petite taille 1m50 environ, le célèbre vieillard de Cro-Magnon atteignait la taille presque gigantesque de lm80 à lm90. Mais ce n’est pas tout : les deux troglodytes diffèrent encore considérablement par le mode de constitution de la face et par la forme des orbites » (Léo Testut, Id.).

Léo Testut referme son rapport en supposant que l’homme de Chancelade devait être l’ancêtre des Esquimaux, échafaudant les premières bases de la fameuse « théorie lapone » selon laquelle les peuples du nord de l’Europe et de l’Amérique seraient les descendants de cette « race de Chancelade », ayant suivi les animaux de faune froide remontant vers le nord lors du réchauffement du climat. « Parmi les races actuelles, celle qui me paraît présenter la plus grande analogie avec l’homme de Chancelade est celle des Esquimaux qui vivent encore à l’état sauvage dans les glaces de l’Amérique septentrionale. Ils ont, en effet, le même crâne que notre troglodyte quaternaire ; leur face est constituée suivant le même type ; ils ont, à peu de chose près, la même taille, le même indice palatin, le même indice nasal, le même indice orbitaire, le même degré de torsion de l’humérus, etc » (Léo Testut, Id.). Léo Testut, enflammé par ses hypothèses scientifiques, évoqua même dans les articles suivants une hypothétique « race de Chancelade ».

Mort à un âge compris entre 55 et 65 ans, le défunt est un Homo sapiens de sexe masculin, au squelette quasi complet, intentionnellement inhumé en position fœtale, et recouvert d’ocre rouge, comme le font aujourd’hui les Bochimans d’Afrique australe et quelques tribus australiennes. Michal Ernée, archéologue tchèque spécialiste de la culture rubanée, rappelle : « La position fœtale peut avoir un rapport avec la position dans le ventre de la mère. Plus tard, de nombreuses cultures ont enterré leurs morts dans des positions allongées, comme les Celtes ou encore, à Prague, comme dans la nécropole de la place Notre-Dame-de-Lorette, qui comptait plusieurs centaines de tombes ».
L’Homme de Chancelade souffrait de graves handicaps, comme le prouvent les nombreuses lésions pathologiques du squelette. Il souffrait d’arthrose, il vivait avec une luxation de l ‘épaule, et avait dans son enfance, subi un traumatisme crânien. Les individus âgés ou affaiblis pouvaient donc survivre aux rudes conditions de vie de l’époque. Les groupes humains prenaient probablement soin, au Magdalénien, des individus les plus faibles par un système d’entraide.
L’apport de Chancelade au dossier français
Le portrait-robot de l’Homme de Chancelade, exposé au musée de Périgueux sous la forme d’un mannequin conçu par la paléoartiste Elisabeth Daynes, peut être mis en parallèle avec deux représentations humanoïdes issues de nos propres recherches :
– le portrait-robot exécuté par Philippe Coudray du nain velu de Morillon, un des rares témoignages récents (Marion Colas, 1996).
– le bas-relief du nain sauvage tenant une massue de la « Salle de justice » du Château Sarriod de la Tour de Saint-Pierre.



Nain velu de Morillon Homme de Chancelade Nain sauvage du Château Sarriod
La comparaison, bien que séduisante, se heurte à quelques limites analytiques car les trois créatures humanoïdes non ni même la généalogie, ni le même contexte, ni la même aire de répartition géographique. Il devient donc nécessaire de revenir sur d’autres fouilles archéologiques du Magdalénien français qui ont présenté des espèces d’Homo sapiens biens différents de Cro-Magnon (Louis Lartet, 1868), cet homme élancé (1,80m) et dolichocéphale (IC : 73,22). Nous verrons alors que d’autres Magdaléniens du territoire français avaient des tailles en-dessous de Cro-Magnon, sans atteindre pour autant la petitesse de l’Homme de Chancelade.
Ainsi, les Hommes de Baumes-Chaudes avaient une taille légèrement en-dessous de la moyenne (1,65m) et étaient dolichocéphales (IC : 69). Lorsque le docteur Barthélémy Prunières explore les Baumes-Chaudes, il découvre pas moins de 300 squelettes (Barthélémy Prunières, « Sur les cavernes de Baumes-Chaudes (Lozère) », in. Bulletins de la Société d’anthropologie de Paris, III° Série. Tome 1 fascicule 2, 1878. pp. 206-220).
Ces squelettes sont caractérisés par des crânes aux formes « dolichocéphales », ou allongés. Cela a conduit certains spécialistes à évoquer une « race des Baumes-Chaudes », proche des hommes de Cro-Magnon. Le terme de « type des Baumes-Chaudes » a ensuite été privilégié à celui de « race ».
Ensuite, les Hommes de Baye, découverts par l’archéologue Raymond Ricquet, avaient une taille légèrement en-dessous de la moyenne (1,63m) et semblaient aussi être dolichocéphales avec un IC de 72 (Raymond Riquet, « Étude anthropologique des crânes de Baye », in. Bulletins et Mémoires de la Société d’anthropologie de Paris, X°. Série. Tome 6 fascicule 4-5, 1955. pp. 235-281),
Durant d’autres périodes géologiques que le Magdalénien, le territoire français a livré des fossiles humains dont la taille adulte avoisinait celle de l’Homme de Chancelade (1,50 m) tels que les types de Baumes-Chaudes (1,65m) et Baye (1,63m). Ci-joint le tableau récapitulatif de ces fossiles humains issus de nos propres recherches, classés par date de publication des découvertes archéologiques :
Hommes fossiles de petites tailles en France
| Appellation | Publication (auteur, date) | Matériel scientifique | Taille estimée | Corrélation | Localisation actuelle |
| Race de Chancelade | Testut (1889) | 1 squelette d’homme adulte complet (Chancelade) | Taille estimée d’1,50m | Hommes magdaléniens de petites tailles (Baumes-Chaudes, Baye) | Musée archéologique (Périgueux) |
| Pygmées néolithiques de Soubès | Lapouge (1895) | 2 mandibules adultes de petites tailles (Soubès) | Taille estimée d’un enfant de 7 à 10 ans | Afars (folklore) | Inconnue |
| Nains d’Eguisheim | Gutmann (1902) | 4 squelettes adultes de petites tailles (Eguisheim) | Taille estimée de 1,22 à 1,50 mètres | Nains de Ferrette (folklore) | Inconnue |
| Nains de la Cave aux fées | Manouvrier (1904) | 5 squelettes adultes de petites tailles (Brueil-en-Vexin) | Taille estimée de 1,42 à 1,62 mètres | Fées (folklore) | Inconnue |
| Pygmées du Salève | Van Gennep (1907) | Plusieurs ossements adultes de tailles réduites (Orjobet) | Taille estimée de 1,40 à 1,55 mètres | Pygmées suisses du Néolithique (préhistoire) | Musée d’Histoire des sciences (Genève) |
Pour la taille estimée des Pygmées de Soubès (Lapouge, 1895) et des pygmées du Salève (Van Gennep, 1907), la méthode utilisée du rapport de proportionnalité entre le fémur et la taille totale de l’individu, mise en place par l’anatomiste Léonce de Manouvrier, est désormais sujette à caution. En effet, cette règle arithmétique, si elle demeure à peu près fiable chez l’Homme moderne, ne s’applique que trop difficilement aux spécificités anatomiques des Hommes préhistoriques.
Néanmoins, les trois autres dossiers de la Race de Chancelade (Testut, 1889), des Nains d’Eguisheim (Gutmann, 1902) et des Nains de la Cave aux fées (Manouvrier, 1904) ont présenté des squelettes en bon état dont la petite taille a été mesurée in situ et semble incontestable. Notons, à titre informatif, que tous les lieux d’exhumations, sans exception, montrent une corrélation préhistorique ou bien folklorique avec d’autres humanités de petites tailles.
Léo Testut lui-même, en savant en proie au doute scientifique, pondère sur la petite taille estimée de l’Homme de Chancelade en rappelant ceci : « Une objection sérieuse peut, en effet, nous être faite : l’homme de Chancelade, avec sa petite taille et sa tête remarquablement volumineuse, est peut-être un de ces individus exceptionnels qui existent dans toutes les races et qui reflètent mal la moyenne du type ethnique auquel ils appartiennent. La chose est fort possible, et nous ne pouvons-nous dissimuler que nos précédentes conclusions, basées sur la découverte d’aujourd’hui, seront peut-être renversées par les découvertes de demain. L’avenir, en tout cas, pourra seul nous édifier sur la valeur d’une pareille objection » (Léo Testut, Id.).
Arnold Van Gennep, grand folkloriste français, reprend le doute de Léo Testut concernant le nanisme harmonieux ou pathologique ainsi que l’anthropogénèse lapone pour dresser un verdict définitif sur sa propre découverte, les Pygmées du Salève : « Il y a crétin… et crétin. Il ne faut pas confondre le dégénéré – bossu, tordu, goitreux, dont les infirmités ont pour cause principale le manque d’iode dans les vallées montagneuses – et l’homme de très petite taille, mais bâti normalement […] Mon opinion définitive est que ces individus sont les derniers survivants, plus ou moins métissés, d’une race déterminée, antérieure aux grands blonds nordiques (Germains), aux grands bruns (Méditerranéens) et aux petits bruns (type alpin) qui se côtoient actuellement en Savoie. Cette race était, je pense, celle dont on a trouvé des restes près de Genève (grottes de Salève), celle des esquimaux ou lapons du Salève » (Arnold Van Gennep, « Les Pygmées du Salève et les Crétins du Valais et de la Savoie », Le Mercure de France, 1909).
Chers lecteurs, voici donc présenté l’Homme de Chancelade, dont le sérieux de son père scientifique (Léo Testut) et la qualité des restes fossiles en font le pendant français du passionnant dossier des Pygmées suisses du Néolithique.


Je should parler that la idee that la specimens were ne un type differente but mere variation does ne mean that la specimens were deforme, but capable du being individuals sanitaire aux differences mere en height. La 300 specimens capable du being explaine a un familie, et thus ne un du les discoveries are evidence du memoire culture.
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Merci mon cher Ravindra pour vos commentaires très éclairants.
Tout à fait, un grand nombre d’hommes préhistoriques ont été tenu, dans l’archéologie du XIXe siècle, pour des races particulières. Uniquement de mémoire : Cancelade (France), Chamblandes (Suisse), Furfooz (Belgique). Les récentes analyses (scan 3D, analyse adn) ont fortement nuancé tout cela, certains n’étant que des « variations locales » d’Homo sapiens et non des espèces à part entière.
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