Le crépuscule de Pan 1

L’extinction du petit-peuple

Sculpture et statuette du Dieu Pan, connu sous le nom de satyre della Valle, antiquité romaine

      Chers lecteurs de Strange Reality, le grand savant Byambin Rinchen, à la fin des années 1950, se montrait déjà très pessimiste quant à la survie de l’almas (l’homme sauvage mongol), notamment à cause des rails du chemin de fer qui scindaient le désert de Gobi en deux : « Durant ces 37 années, les nombreuses informations à ma disposition montrent que la zone d’habitation de l’almas diminue constamment. Le développement du transport aérien et automobile sur des terrains désertiques et inusités, l’augmentation de la chasse et l’amélioration des armes à feu des chasseurs ont changé la zone habituelle des animaux sauvages des grands déserts et steppes de Mongolie. Le rideau de fer de la voie ferrée transmongolienne a divisé maintenant l’immense désert de Gobi en « zone est » et « zone ouest », à tel point que les antilopes ne communiquent plus entre les deux parties, n’osant pas franchir le serpent d’acier répugnant avec sa brochette sifflante de poteaux télégraphiques » (Rinchen, « Almas Still Exist in Mongolia ? », Genus, Volume XX, n°14, 1964).

Selon Rinchen, le transmongol éventre depuis 1949 le désert de Gobi en deux…

Philip Crowe, écrivant sur les rites mongols, se laisse aller à la même mélancolie qui jadis avait étreint le grand savant mongol : « J’ai demandé au sujet de l’almas, « l’abominable homme-des-neiges du gobi », mais le gardien de troupeau a seulement souri et secoué sa tête. Pour un éleveur de chameaux, moderne et progressiste, les récits de ces étranges créatures couvertes de fourrures sentent les jours anciens et les superstitions traditionnelles » (Philip Crowe, L’Arche vide, 1967). Ce monde primitif qui rentre en collision avec le monde moderne m’évoque la toile de l’artiste allemand Carl Spitzwegg intitulée

Nain regardant le train 1850 Carl Spitzweg

Gnome regardant le train (1848) de Carl Spitzweg

Le monde des nains est ici confronté au monde moderne marqué par le changement et le progrès. Incarnation de la nature vierge, le gnome sera supplanté tôt ou tard par le développement de l’activité humaine et le chemin de fer vrombissant. Chers lecteurs, ce sentiment de Paradis perdu, de jardin d’Eden souillé traverse tout le dossier de la cryptozoologie et de l’hominologie, et nous tenterons dans le présent article de l’expliciter à travers nos propres recherches.

La fin des temps idylliques


De grands romantiques comme Jules Michelet et Heinrich Heine n’ont pas manqué de nous rappeler cette légende :  Certains auteurs nous assurent que peu de temps avant la victoire du christianisme, une voix mystérieuse courait sur les rives de la mer Égée disant : « Le grand Pan est mort ». L’antique Dieu universel de la Nature était fini. Grande joie… S’agissait-il simplement de la fin de l’ancien culte, de sa défaite, de l’éclipse des vieilles formes religieuses ? Point du tout. En consultant les premiers monuments chrétiens, on trouve à chaque ligne l’espoir que la Nature va disparaître, qu’enfin on touche à la fin du monde. (Jules Michelet, La sorcière (1862), Editions Flammarion, 2011. p. 67).

     « Le grand Pan est mort » constate avant Jules Michelet le grand écrivain François Rabelais à travers la mémoire de son personnage Pantagruel dans le Quart Livre (1552) : Pantagruel, ce propos fini, resta en silence et profonde contemplation. Peu de temps après, nous vîmes les larmes couler de ses yeux gros comme des œufs d’autruche. Je me donne à dieu si je mens d’un seul mot .

Pan était un dieu de la Nature dans la mythologie grecque, réfractaire à la civilisation

Cette mort signe la fin des temps patriarcaux, d’une certaine idée du pays de Cocagne. C’est aussi le mouvement qui voit la défaite, la mort du paganisme dès le IVe siècle face au christianisme en tant que civilisation. C’est la fin d’un temps idyllique, d’avant la corruption. Un monde dansant, naïf, champêtre, peuplé de faunes et de satyres. Un monde où les hommes étaient en communion avec la Nature.

Figure majeure du panthéon celtique, Cernunnos incarnerait le cycle biologique de la nature, reflétant simultanément la vie et la mort, la germination et le dépérissement, à l’image du cerf, représenté ici sur le chaudron de Gundestrup, un récipient cultuel danois datant du Ier siècle av. J.-C.

     Le christianisme s’inspira de l’apparence et du caractère sulfureux et lascif du dieu Pan, très populaire, et le dénigra en octroyant ses attributs au démon, en le diabolisant purement et simplement, afin de lutter contre le paganisme et toute autre tradition religieuse qui résistait à son implantation.

     Ainsi, en adaptant cette notion philosophique de « la mort du grand Pan » à notre dossier de recherche, nous serons confrontés à trois grands mouvements : d’abord, la disparition d’êtres primitifs à cause de l’avancée de la civilisation humaine ; ensuite, la substitution (diabolisation, syncrétisme) des cultes et pratiques païennes au profit du christianisme ; enfin, un sentiment de culpabilité préalable vis-à-vis de ces êtres primitifs qui se voient mis à l’honneur de manière très ambiguë. Nous nous cantonnerons dans cet article aux êtres primitifs (nains et hommes sauvages) de la France et de la Belgique. Nous incluons la Belgique dans ce dossier en grande partie historique car elle faisait partie intégrante du Royaume des Francs (481-814).

La disparition des nains

Dans le folklore, « la disparition des fées » est un canevas classique, aux cotés du changelin et de la fée trahie. Ainsi, la disparition des nains est tellement bien documentée dans le folklore belge que nous pouvons nous cantonner à ce territoire pour en saisir toute la subtilité.

     Pour signifier qu’il est extrêmement âgé, le nuton surpris lâche une phrase qui est peu ou prou la même : « J’ai vu Freyr plain champ et Bastogne plain bois ». C’est-à-dire plus simplement : « j’ai connu un village qui était un champ et un autre village qui était une forêt ».  Cette phrase, d’apparence anodine, exemplifie les bouleversements drastiques de la campagne belge, qui voit ses champs et ses forêts se laissaient envahir inéluctablement par la civilisation humaine. Ce développement technique du territoire ardennais a peu à peu fait fuir les nutons.

Ainsi, le petit peuple belge est souvent gêné lorsque les humains perturbent leur habitat naturel en creusant des galeries artificielles pour l’exploitation des ressources naturelles (or, marbre, ardoises) du sol ardennais. Au lieu-dit « Roches », entre Ochamps et Jehonville, le long du ruisseau d’Omois se voyaient encore naguère les cassettes des nutons, c’est-à-dire de petits creux en forme de tasses où les nutons venaient boire. Transformé en carrière de marbre, ce site a malheureusement a été ravagé par les mains de l’homme et les nutons ont fui.

     Les vieux du village de Fromelennes racontent que les nutons réparaient les chaussures et les serrures. On ne pouvait pas les voir, mais on les entendait besogner durant la nuit. Jusqu’au jour où les humains ont fait sauter la mine pour élargir l’entrée de la grotte et depuis, on ne les a plus jamais entendus. Dans la Semois inférieure, les nutons ne fréquentaient plus le « trou Perpète » depuis qu’il était transformé en forage d’ardoisières. D’après les contes, les galeries humaines (ardoisières) rentraient alors en compétition avec les galeries nutonnes (habitations).

Au XIXe siècle, les ardoisières mettent en péril l’habitat naturel des nutons

     A Ecaussinnes d’Enghien, il existait un endroit baptisé plus tardivement « Trou aux Fées ». Il s’agissait d’un affleurement calcaire. Aux temps anciens, des grottes se trouvaient précisément à cet endroit : elles étaient habitées par nos énigmatiques nutons, qui avaient le teint sombre et le regard vif, et qui ne sortaient qu’à la nuit tombée.

Le « Trou aux fées » d’Ecaussinnes d’Enghien (carte postale du XIXe siècle)

Le trajet Ecaussinnes-Clabecq, morcelant le territoire nuton

     En 1884, ce bloc de calcaire a été dynamité par des ouvriers du chemin de fer pour les besoins de la ligne Ecaussinnes-Clabecq. Une coupure de presse extraite du journal « La Belgique » (Dimanche 5 décembre 1915) évoque le Trou aux Fées. Mr Arthur Peuplier, échevin (adjoint au maire) et ancien surveillant provincial va superviser des travaux de voirie réalisés pour… « occuper les chômeurs ». Cette nouvelle route longera, dit-on, le Trou aux Fées aux confins de Henripont.

     Les nutons semblent avoir souffert, dans leurs derniers instants, d’une grande suffisance de la part des humains. Susceptibles, les nutons injuriés par les humains quittaient le pays. Dans leur grande bêtise, les hommes n’hésitaient pas à avilir le commerce silencieux qui semblait pourtant bénéfique aux deux communautés.

     Vint un temps plus ingrat où les humains du village précité d’Ecaussinnes d’Enghien, non contents d’abuser de ces petits êtres, commencèrent à les dénigrer en glissant des substances immondes entre deux tranches de pain. On raconte que c’est à la suite de ce manque de reconnaissance et de respect que les nutons disparurent du village et de ses alentours.

     Un second rapport évoque des nutons qui, du coucher au lever du soleil, travaillaient laborieusement. Leur besogne consistait à réaliser les souhaits des humains contre du pain et du froment. Un jour, une femme désirant ardemment une robe, alla porter la nourriture convenue. Mais, la femme trop avare, remplaça le pur froment par de la cendre. Froissés, les nutons disparurent de la région pour toujours.

     Dans la région de Charleroi, la douce harmonie entre les humains et les nutons fut cependant brusquement rompue. Quelques humains les provoquèrent par méchanceté. Ils obstruèrent plusieurs entrées de leurs grottes ou déposèrent des pains cuits contenant des cendres et de la terre. Certains allèrent jusqu’à pisser devant l’entrée de leurs grottes ou bien à batifoler dans leurs bois. Il n’en fallait pas plus pour les vexer : ils se renfermèrent sur leur communauté et finirent par ne plus jamais se montrer. Ils délaissèrent les corvées et les offrandes que certains laissaient encore.

      Un jour, ils finirent par quitter la région, délaissant leurs trous et tanières. L’industrialisation et l’urbanisation de la région effaça la grande majorité des traces de leur passage. Au XIXe siècle, le bois où ils vivaient a même été défriché. Le cimetière de Gilly est aménagé sur cet ancien site, et plus tard le crématorium de Charleroi. Seul le nom d’une voirie rappelle aujourd’hui l’emplacement de l’ancien « Mont des nutons ».

Le cimetière de Gilly, en friches et à l’abandon, est bâti sur un ancien « Mont des nutons »

     Les nutons semblaient au bord de l’extinction car leurs représentant devenaient extrêmement âgés, quasiment à l’agonie. Entre les villages d’Anloy et de Glaireuse, la tradition montre, sur une roche voisine, un plat et un fauteuil dont l’usage était, paraît-il, réservé au patriarche des petits hommes.

     Le chercheur belge Michel Dethier estime que cette disparition a surement été favorisée par des chasses de la part des humains, qui exterminaient les pauvres nutons comme des nuisibles :  Aujourd’hui, les nutons ont disparu de nos campagnes. Ce n’est sans doute pas étonnant si l’on songe que, jusqu’au XVIIIe siècle, on offrait une récompense pour tout nuton ramené mort ou vif …  (Michel Dethier, « Créatures fantastiques du monde souterrain », Bulletin des chercheurs de Wallonie, XLII, 2003, p. 37).

     En ce sens, le personnage de Kyrié est exemplaire de cette rapide déchéance du petit peuple belge dans l’esprit des hommes. Kyrié était le roi des légendaires kabouters qui vivait dans la région de la Campine de la province du Brabant-Septentrional (Pays-Bas). Ces nains avaient leur base près du village de Hoogeloon.

     Selon la légende, le roi kabouter Kyrié vécu sous le Kerkakker (La Montagne Kabouter), dans un tumulus situé dans la lande de Hoogeloon. Un jour, Kyrié a été abattu par un chasseur qui croyait levait un gibier dans les landes. Il avait eu juste assez de force pour atteindre le Kerkakker, sa demeure souterraine, et y mourir dans le plus grand silence.

    Le chasseur, cherchant dans les herbes sauvages sa proie, en vain, entendit les nains choqués murmurer : « Kyrié est mort ». Le triste message que leur roi était mort s’est rapidement répandu parmi toutes les colonies de kabouters de la région. Le roi Kyrié a été enterré quelque part dans la lande d’Hoogeloon. Après la mort de leur roi, tous les nains, dégoutés, ont quitté la région vers une destination inconnue.

La disparition des pratiques païennes

La disparition du petit peuple en Belgique est souvent corrélée à la chute des cultes païens. A Soleilmont, c’est-à-dire « le mont du soleil », un tertre antique était voué au culte d’une idole solaire, qui était peut-être une variante du dieu solaire gaulois, Belenos. Les nutons, appelés curieusement « les gentils », s’y livraient à des libations avant que l’évangélisation de la région ne transforme ce lieu de culte en abbaye chrétienne investie par les moines cisterciens.

Ruines de l’ancienne abbaye de Soleilmont (1239)

     A Bourcy, dans le bois jouxtant le village, les nutons adoraient Intarabus, divinité gauloise incarnant la santé et la jeunesse et se présentant sous la forme d’un jeune homme, imberbe, aux cheveux longs, vêtu d’une longue tunique élégante et surmontée d’une peau de loup.

Deux divinités gauloises vénérées par les nutons : Belenos et Intarabus

     Malheureusement, l’arrivée de la religion chrétienne avec l’évangélisation progressive des Ardennes par les Francs aboutit à une diabolisation progressive des pratiques religieuses et culturelles des nutons :

– A Transinne, les nutons fréquentent le même rocher que les sorcières Magrite et Zabelle, signant ainsi leur marginalité par transfert sémantique avant leur totale disparition.

– A Sinsin dans la province de Namur, chaque année, le jour de la Chandeleur (fête de la Purification), la jeunesse venait au Trou des nutons par groupes entiers pour brûler des chandelles dans le but d’exorciser ce lieu suspecté de paganisme. En effet, des nutons qui habitaient ce trou étaient défavorablement connus pour voler des grains aux paysans dans les greniers.

Dans la province de Liège, les nutons aux pratiques païennes disparurent lorsque Saint-Remacle (600-669) évangélisa la région. Au village de Solwaster, un sottai amoureux éconduit par une jolie fille du village lança une malédiction : des couleuvres envahirent la ferme de sa belle… Pour exorciser ce maléfice, la famille fit un grand feu la nuit de la Saint-Jean, au solstice d’été… Curieusement, les couleuvres vinrent toutes se jeter dans le brasier, et depuis, on ne revit plus jamais un seul sottai dans la région.

La disparition des nains du folklore lors de l’arrivée du christianisme demeure un fond commun des histoires du petit peuple : ainsi, dans l’Ariège (France), les hadas fuient la région dès que sonne l’angélus.

Les hadas gardaient jalousement une recette miraculeuse païenne et, lorsque l’une d’entre elle se faisait capturer par un humain, ses voisines lui criaient par-delà la forêt : « Surtout, ne révèle pas le secret de la feuille de l’aulne ! » « Tu t’es fait avoir, tant pis, mais ne répète pas le secret de la soudure ! ». Si le secret de la soudure a été dans un récit éventé (du sable de rivière servant de liant au fer), quel serait donc ce fameux secret présent dans la feuille de l’aulne ? Nous n’en savons rien historiquement, mais nous connaissons actuellement les propriétés pharmaceutiques de l’aulne glutineux. D’une part, le macérat du bourgeon permet de fluidifier un sang trop épais, de diminuer sa viscosité, et ainsi de renforcer les défenses immunitaires. D’autre part, la feuille de l’aulne est utilisée depuis le Moyen-âge dans la pharmacopée traditionnelle pour ces nombreuses propriétés : antiinflammatoires, antidiarrhéiques et antihémorragiques.

L’aulne glutineux, utilisé dès le Moyen-âge dans de nombreuses potions curatives

     Par un phénomène de syncrétisme religieux, la religion chrétienne tentera maladroitement de réconcilier les populations campagnardes avec leurs propres divinités païennes : ainsi, à San Juan Xar, l’ancien culte polythéiste célébrant les laminak, divinités naines et velus, se confondra avec la prière à Jean-le-Baptiste, seul saint chrétien à la pilosité avérée.

Grotte de la forêt de San Juan Xar (2014). Le culte de Jean-le-Baptiste le velu a remplacé un ancien culte des laminak

Le sentiment de culpabilité préalable

Les humains, après avoir chassé ou exterminé le petit peuple de leurs propres terres, essaieront maladroitement de réparer cette faute. Après avoir humiliés les représentants du petit peuple, un sentiment de culpabilité préalable proche du remords nous pousse à les mettre à l’honneur. Les nains duy folklore belge sont notamment devenus des mascottes de la culture de l’alcool :

Réclame publicitaire pour le Gin « Kabouter » (Marten Toonder et Hans G. Kresse, 1940)

Les sources belges ne permettent malheureusement pas de mettre en parallèle cet attrait pour l’alcool avec une alcoolisation massive des nutons/kabouters, au contraire des sources irlandaises et allemandes, plus diserts à ce sujet.

Les nains mis à l’honneur à travers la culture de l’alcool

Le leprechaun, goguenard et porté sur la boisson, en mascotte idéale de la Saint-Patrick

D’une part, le folklore irlandais fera du Leprechaun l’ambassadeur privilégié de la fête de la Saint-Patrick, qui célèbre l’évangélisation du pays, et de la fameuse bière Guinness. En effet, quittant peu à peu les collines, les leprechauns partaient se réfugier dans les caves des humains, privilégiant les propriétaires alcooliques, qui possèdent régulièrement de nombreuses bouteilles. C’est ainsi qu’on redoute leur présence dans les tavernes sous peine de voir les tonneaux de Guinness vidés trop rapidement. Ce penchant pour la fête et l’alcool, qui n’est qu’une alcoolisation massive de ce petit peuple en perte de repères identitaires, en fera une vedette idéale pour les marques de bars ou de bières de l’Irlande, notamment la fameuse Guinness.

D’autre part, le folklore bavarois mettra à l’honneur les Bergleutes, un peuple nain des Alpes spécialisé dans le travail des mines et réputés pour avoir un fâcheux penchant pour la bière.

Représentation du Bergleute, le nain minier porté sur la boisson

La mort de Kyrié, le roi nain des kabouters, a fait l’objet d’un long et triste deuil. Un lieu de mémoire, la Montagne Kabouter, est alors choisi pour honorer sa mémoire et une statue à son effigie est alors érigée. Le nain belge assassiné par les humains est finalement honoré quelques siècles plus tard.

Lieu de mémoire des kabouters à Hoogeloon (Belgique)

La Montagne Kabouter (tumulus) et la statue de leur roi (Kyrié)

     Chers lecteurs ce sentiment de culpabilité préalable se mue d’abord en devoir de mémoire pour ce petit peuple, puis au XXe siècle en une sorte de fierté naine qui se teintera d’une coloration politique, souvent d’extrême-gauche, filant la métaphore des nains (petites gens) contre les géants (puissants). 

Mouvement anarchique belge (1969-1974) prenant comme exemple les kabouters

Les anarchistes polonais d’Alternative Orange en pleine guerre froide (1981) et leurs lutineries

Récemment, un mouvement anarchiste français s’en est pris aux nains de jardins, symbole d’un certain conformisme bourgeois.  En 1996, à Alençon, un mystérieux FLNJ (Front de Libération des Nains de Jardins) avait entrepris d’enlever les nains de jardin afin de les relâcher, en toute liberté, dans les forêts environnantes. Benjamin, membre du FLNJ, s’était alors confié : « Nous avions aussi une dent contre le mauvais goût et contre les choses qu’on considérait comme beauf. Le nain de jardin, c’était un peu l’emblème de ce conformisme qu’on essayait de fuir ».

Deux membres du FLNJ libèrent les nains dans la nature ! (Jean-Marc Seigner, 1996)

Le mouvement cryptozoologique n’est pas épargné par cette fierté d’un homme sauvage héritier du trope du « grand Pan est mort » et le cryptozoologue Christian Le Noël n’hésitera pas à proposer sa propre version  de la fin du mythe avec un bretou isolé face à l’avancée de  la civilisation humaine.

Le bretou en voie de disparition (Courtoisie Christian Le Noël)

6 commentaires

  1. Bonsoir,
    Merci pour ces données. Je connais personnellement une Grotte des fées à Sail-sous-Couzan (Loire) https://www.visorando.com/images/inter/m-la-grotte-des-fees-visorando-486694.jpg?v=1708685927
    C’est assez proche du village, l’endroit est quand même sauvage. Elle n’est pas très profonde (on voit le jour depuis le fond), il faut un peu d’escalade (s’aider des mains) pour y accéder. C’est une rareté dans cette région granitique.

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    1. Merci Jean Roche pour ce commentaire très éclairant et ce site que je n’avais pas versé à mon dossier.

      Sur l’ile de Guernesey, il existe un « Creux des fées », à la fois site protohistorique (dolmen) et site folklorique (lieu d’habitation des aragoussets, créatures naines).

      Petit peuple d’Angleterre

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      1. I have noticed the late king kabouter Kyrie resembles Mim the Dwarf of Tolkien’s Legendarium, and the encroachment of humans in the territories of the Little People resembles how Men began expansion into Elf borders in the Legendarium, how the Numenoreans foreste the balls inhabited by the Druedain and the Dunnish, « the multiplying of Men in the land » caused the Hobbits to leave Rhovanion, and how Men drove out the Orcs of the Goblin-town at the end of “The Hobbit”; These folktales look at the Little People also resemble the chapters “The Scouring of the Shire” and “The Gray Havens” from “The Return of the King.” » The whimsical nature of the Dwarves and the Hobbits resembles that of the Little People in these folktales. The Little People are supposed to be based on a pre-Indo European population, which fits Tolkien’s fictitious history of Europe. Tolkien had French emigrant ancestors and fought in France in the War to Protect Civilization, and as a child read folktales from Europe. The Harfoots are described as « browner and leaner of face than the others » (i.e., than the other Hobbits), as are the Dunnish « brown of face, » while the Numenoreans are also « brown » and « felt »; the Numenoreans speak an Afro-Asiatic language (in Tolkien’s letters), the Dunnish seem to speak a pre-Celtic substratum which evolves into Pictish, and the Hobbits seem to have spoken an original substratum which evolves into Cornish (Tolkien compares Hobbits and Rohirrim to Welsh and English).

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      2. Je vous remercie, mon cher Tanskanen, pour votre grande érudition sur le sujet. Sans m’avancer sur le terrain linguistique, que je ne maitrise pas suffisament, je peux cependant vous apporter des clefs de compréhension sur la partie ethnographique de la question. A la Belle-Epoque, la France et la Belgique rentre dans une effervescence scientifique et intellectuelle jamais égalée.
        De cette émulation scientifique sans précédent émerge des chercheurs qui ont compris, soit intuitivement, soit par étude ostéologique, que les celtes ont peu à peu remplacés des populations sapiens (préceltique) tantot naines, tantot de tailles normales. Des romanciers de gare ont effectivement vulgarisé ces thèses, littérature dont devait etre friand le grand maitre Tolkien.
        Quelques réflexions de l’époque à ce sujet :
        (Sur les nutons belges) : « A leur arrivée en Belgique, les Celtes trouvèrent les bords de la mer et ceux des fleuves habités par des tribus sauvages vivant de la chasse et de la pêche, ignorant l’usage des métaux on peut appeler ces tribus les aborigènes de l’Europe »
        (Sur les pygmées du Salève) : « Mon opinion définitive est que ces individus sont les derniers survivants, plus ou moins métissés, d’une race déterminée, antérieure aux grands blonds nordiques (Germains), aux grands bruns (Méditerranéens) et aux petits bruns (type alpin) qui se côtoient actuellement en Savoie. Cette race était, je pense, celle dont on a trouvé des restes près de Genève (grottes de Salève) ».
        (Sur les pygmées suisses du Néolithique) : ; la taille varie de 1,40 à 1,60 mètres, ce qui a permis à M. Kollmann de considérer les individus ä taille faible et aux os grêles comme appartenant ä une race de pygmées qui aurait joue un rôle important dans la constitution des races de petite taille, si fréquente au sud de l’Europe et dans certaines parties de la Russie. »

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