Ice Gnome

Chers lecteurs de Strange Reality, après les Etats-Unis avec le dossier de Little Foot, je vous invite à nous suivre plus au Nord, dans les contrées gelées du Canada et de l’Alaska.

Sur la route des immensités arctiques, nous entamons notre périple depuis la grande ville de Detroit, à mi-chemin entre les Etats-Unis et le Canada, pour nous retrouver nez-à-nez avec le terrible Detroit Dwarf, soit le nain rouge de Détroit.

Le nain rouge de Détroit sur une devanture de bar

Antoine de Lamothe Cadillac, fondateur du Fort Pontchartrain du Détroit (1701-1710), est à l’origine de cette légende : d’aucuns arguent qu’il aurait exporté ce récit de sa région natale (les légendes de nains étant légions en Armagnac) ; d’autres assurent qu’il se serait fait agresser par ce nain rouge sur les berges du lac Supérieur. Quoiqu’il en soit, le nain rouge, croquemitaine grotesque et goguenard, hante à nouveau les ruelles de Détroit lors d’une festivité musicale appelée « La marche du nain rouge ». Par syncrétisme, cette fête a lieu en fin mars, afin de caler avec les fêtes celtes classiques qui permettent d’exorciser l’hiver et de célébrer le printemps (Monsieur Carnaval, fêtes de l’Ours, etc.).

La marche du nain rouge (Détroit)

Dans la même zone géographique des Grands Lacs, passons désormais à des cas de pygmées bien plus palpables, tangibles, documentés, à travers les récits des Indiens Lakotas, Ojibwés et Iroquois.

Grands Lacs

Les indiens Lakotas, à l’Ouest de la région des Grands Lacs, croyaient en une race de petits hommes et femmes très laids qu’ils appelaient Can Otidan, c’est-à-dire « les habitants des arbres ». Les récits sur ce peuple nain ont été patiemment collectés par l’anthropologue américain James Henri Howard (« The tree dweller cults of the Dakota », The Journal of American Folklore, vol. 68, pp. 169-174, 1955).

Pendant l’été 1680, le missionnaire Louis Hennepin est hébergé 3 mois chez les Lakotas et demeure donc dans une position idéale pour observer et enregistrer la vie religieuse et culturelle des autochtones. Selon lui, « Des esprits et des pygmées, ou bien des hommes de petite taille, y habitaient [le Nord], comme ils [les indiens Lakotas] avaient été informés par les gens qui vivaient plus loin qu’eux-mêmes ». Ce n’est que plus d’un siècle après cette première référence aux pygmées et aux hommes de petite taille que les Lakotas ont à nouveau mentionné ces gens de faible stature avec le témoignage de Lewis et Clark en 1805.

En effet, les deux célèbres explorateurs y décrivent un grand monticule dans les prairies : « on l’appelle la colline du Petit Peuple, ou Petits Esprits, et les indiens croient que c’est la demeure des petits hommes laids d’environ dix-huit pouces de haut (50 cm) munis de têtes remarquablement grandes ; ils sont armés de flèches pointues, avec lesquelles ils sont très habiles, et sont toujours en alerte, à vouloir tuer ceux qui devraient avoir le courage de s’approcher de leur résidence. La tradition veut que beaucoup aient souffert de ces petits esprits maléfiques, et entre autres, trois Indiens Maha leur ont été sacrifiés il y a quelques années afin d’apaiser leur courroux. Ce petit peuple a inspiré toutes les nations voisines, Sioux, Mahas et Ottoes, avec une telle terreur, qu’aucune considération pourrait les inciter à visiter la colline ».

Un témoignage récolté par l’anthropologue américain Wilson D. Wallis (1914) complète ce portrait du Can Otidan des indiens Lakotas : « Oncle m’a dit aujourd’hui, alors que je chassais, de me méfier du Petit Homme des Bois, car si je le rencontrais, je pourrais me perdre et ne plus jamais retrouver le feu de camp ! Ce Chanotedah est… un homme espiègle. Il n’est pas plus grand qu’un enfant de trois ans enfant, mais couvert de poils. Sa maison est dans un arbre creux et ses armes sont les plumes brillamment colorées du geai. Il se plaît à perdre le chasseur solitaire qui a la malchance de le croiser au fond de la forêt… Ce petit homme en veut à notre race ».

Les Indiens Ojibwés auront eux aussi des récits sur un petit peuple nommé Maymaygwashi, une créature aquatique au corps enfantin et au visage velu habitant dans des crevasses le long des rives escarpées du lac Supérieur. Ce nain farouche serait d’ailleurs représenté sur certains pictogrammes apposés sur les flancs rocheux du lac Supérieur.

Schéma issu d’un pictogramme Ojibwé représentant le Maymaygwashi

Ces pictogrammes présenteraient aussi de petites empreintes de mains, peintes à l’ocre rouge à même le roc. Pour les Ojibwés, ce sont les Maymaygwashis qui ont fait ces empreintes en élevant leurs mains hors de l’eau.

Ce petit peuple du lac Supérieur est corroboré par le récit de Venant Saint-Germain, un colon français ayant fait fortune dans le commerce de fourrures avec les autochtones. Le 13 novembre 1812, à la Cour du Banc du Roi pour le district de Montréal, il raconta sous serment devant les juges P. L. Panet et J. Ogden un incident survenu le 3 mai 1782. Ce jour-là, St-Germain prenait le chemin de l’ouest pour se rendre au fort Kaministikwia (aujourd’hui Thunder Bay) à l’extrémité occidentale du lac Supérieur, à bord d’un canoë avec un équipage de trois hommes et une femme âgée de la nation Ojibwé. Ce soir-là, l’équipe s’arrêta à l’île Pâté (Pie Island), pour passer la nuit. Une fois le campement installé, Saint-Germain décida d’aller tendre des filets pour pêcher quelques poissons. Au crépuscule, alors qu’il repartait vers le bivouac, il aperçut, à 150 ou 200 pieds, une créature inconnue dans les eaux du lac. L’être avait un torse semblable à celui d’un enfant de huit ans. Le visage avait un teint sombre et des cheveux crépus, décrit par Saint-Germain comme ceux d’un « jeune Noir ». L’être se tenait à moitié sorti de l’eau, un des bras levés, l’autre appuyé sur la hanche. Saint-Germain appela ses compagnons qui purent voir la créature. St-Germain courut chercher son fusil mais quand il pointa l’arme chargée vers la créature, l’Amérindienne s’interposa, s’accrochant à ses vêtements et l’empêchant de viser. L’être plongea lentement pour ne pas reparaître. La femme tança alors vertement Saint-Germain, pour avoir voulu tirer sur l’« esprit des eaux et des lacs », le Manitou Niba Nabais.

D’autres indiens des Grands Lacs, les Iroquois, évoqueront aussi un petit peuple sous le nom de Geow-lud-mo-sis-eg. Le grand journaliste Edmund Wilson, dans le livre Pardon aux Iroquois (1960), évoque les récits concernant ce petit peuple.

La nation iroquoise, dit « peuple aux longues maisons »

En substance, Edmund Wilson explique que l’on retrouve chez les Iroquois, les Jogah (le peuple nain) protecteurs ; on distingue trois sortes de Jogah, chacun représentant un aspect de la nature : les Gahonga qui peuplent les rivières et endroits rocheux, les Gandayah qui s’occupent des graines, des fruits et des poissons et les Ohdowas qui vivent dans le sous-sol et empêchent les monstres du monde souterrain de venir attaquer la surface.

Les Jogah, danseurs de tambour, sont le « petit peuple » mythique de la tradition iroquoise. Habituellement invisibles, il existe des moyens de savoir s’ils sont là. Par exemple, jouer du tambour sans batteur visible. Ils laissent également des anneaux de terre nue et des « bols » dans les pierres ou la boue ; des offrandes comme du tabac et des ongles peuvent être offertes dans ces « bols ». Ils sont également utilisés pour expliquer les lumières désincarnées et la malchance. Lorsque des gens, généralement des enfants, des aînés et des guérisseurs spirituels, voient le Jogah, ils sont décrits comme étant « à hauteur de genou » et mesurant environ 1,20 mètre. Sur le plan comportemental, les Jogah adorent les jeux et les tours, ce qui peut être dangereux s’ils ne sont pas respectés.

 Les Gahongas, lanceurs de pierres, vivent dans les zones rocheuses comme les ruisseaux. Leur jeu préféré consiste à attraper les gens en utilisant des pierres, souvent de la taille d’un rocher. Les Gandayah prennent soin de la flore d’une région, lui indiquant quand pousser et quel sera son rendement. Ils sont connus pour aider les agriculteurs iroquois respectueux. Enfin, les Ohdows sont les gardiens souterrains de notre monde. Les Ohdow sortent du sous-sol la nuit pour danser et chasser toutes les créatures du monde souterrain qui se sont échappées.

Comme pour les nutons de Belgique ou bien l’almas de Mongolie, l’ère industrielle semble avoir eu raison de la disparition du petit peuple des Iroquois : de 1953 à 1959, deux barrages hydroélectriques ont été construits dans la région de Tobique (Canada) et de nombreux endroits fréquentés par les autochtones Iroquois ont été inondés, y compris des cavités souterraines qui étaient censés abriter le Geow-lud-mo-sis-eg. Ainsi, s’évapore, dans le plus grand des anonymats, une partie des rêves et des récits des autochtones canadiens.

Le barrage NB a défiguré la réserve naturelle de Tobique en territoire Iroquois (Canada)

Côte Pacifique du Canada

Des légendes de bucherons installés en Colombie-Britannique évoquent la présence sporadique de « Mountain Dwarfs » (nains des montagnes) et une chute d’eau de la Sunshine Coast porte le nom de Dwarf fall. Mais reprenant les mêmes canevas usités que leurs homologues alpins (gardiens de trésors, timides mais bienveillants, protecteurs de secrets), nous pouvons à bon droit suspecter un phénomène de syncrétisme concernant ces nains montagnards.

Le grand cryptozoologue Ivan T. Sanderson, dans Homme-des-neiges et Homme-des-bois (Plon, 1961), entreprend un travail historiographique considérable autour du Sasquatch de la Colombie-Britannique. Consciencieux, il écrit quelques pages curieuses (pp.155-158) relatant des cas qui ne concordent absolument pas avec le Sasquatch mais plutôt avec des êtres de bien plus faibles statures. De son propre aveu, cette documentation semble le plonger dans le doute et la confusion : « Et puis, il y eut aussi la naissance extrêmement désagréable (à mon gré) de l’affaire des petits hommes ».

Le crypotozoologue Ivan T. Sanderson (1911-1973) a documenté les petits hommes du Canada

Nonobstant ce blocage psychologique, Ivan T. Sanderson se résout à évoquer cette histoire : « ces petites créatures viennent jouer avec les enfants humains au bord des rivières. Mais si elles sont visibles pour les enfants, elles ont toujours échappé au regard des adultes […] Tout en constatant le manque de témoignages directs affirmant que ces nabots ont été aperçus, on trouve en revanche beaucoup de rapports disant que des petites traces de pas ont été décelées soit dans la neige soit dans la boue, beaucoup plus souvent que celles des géants. J’ai vu des tracés de ces empreintes, mais jusqu’à présent je n’en ai jamais vu de photographies ou de moulages de plâtre. Très souvent, on dit que ces empreintes abondent dans la neige, autour des étangs et des dépressions, qu’elles se dirigent toujours vers des taillis ou qu’elles en viennent. Ce sont de petites empreintes extrêmement curieuses, qui ont en moyenne environ 10 centimètres de long et qui, ma foi, ressemblent fort à celles d’hommes minuscules. Le talon est toujours très effilé ».

Le cryptozoologue écossais émet à juste titre l’hypothèse animale du porc-épic pour expliquer ces empreintes effilées d’apparence humaine. Nous pouvons éventuellement imaginer que des enfants amérindiens Salish se seraient promenés pieds nus, quand même bien ils soient habitués en plein hiver à marcher avec des mocassins.

Mais la conclusion de cette affaire par Ivan T. Sanderson, qui par ailleurs a émis le concept très novateur de « proto-pygmée » (pygmées archaïques), ne lasse d’étonner : Ainsi, le cryptozoologue referme le dossier si passionnant des petits hommes du Canada en prétextant que ce sont que des Bigfoot juvéniles !  Notre prochaine enquête nous amènera sur le territoire jouxtant le nord de la Colombie-Britannique : l’Alaska.

Alaska

Nous sommes redevables à l’émission américaine de reportages Missing in Alaska, avec son épisode 5 Attack of the Ice Gnomes (2022), d’avoir apporté son éclairage sur un dossier largement méconnu mais néanmoins passionnant : celui des nains de l’Alaska.

En effet, dans les régions sauvages de l’Alaska, les tribus indigènes de la région telles que les Inuits et les Yup’ik ont depuis longtemps leurs propres récits de petites personnes vivant dans les forêts et la toundra glaciale. En fonction de la tribu ou des traditions, des créatures énigmatiques se présentent sous de nombreux noms tels que Ircinrraqs, Inukin, Ircenrraat, Ingnakalaurak, Egassuayaq, et Paalraayak, bien qu’elles semblent le plus couramment être désignées sous le terme d’Inukin ou Enukin.

 Bien qu’il y ait des détails différents dépendant de la tribu, les Inukin sont décrits le plus souvent comme des êtres faisant trois pieds [91,4cm] de haut, vêtus habituellement de peaux d’animaux et avec des têtes pointues et des oreilles effilées. On explique majoritairement que les Inukin préfèrent rester sous terre ou dissimulés dans les montagnes durant la journée, ne se risquant dehors que la nuit, et ils sont décrits principalement comme étant espiègles, de mauvais caractère et méchants, semblant aimer tourmenter les gens. On dit habituellement qu’ils essaieront intentionnellement d’égarer les voyageurs ou bien de leur lancer des pierres, et qu’ils ont la mauvaise habitude de voler les proies de chasseurs. Ils sont eux-mêmes considérés comme des chasseurs, utilisant des arcs et des flèches.

Les autochtones Iñupiats relatent des récits de gnomes de l’Alaska

On leur prête habituellement le fait d’avoir une force surhumaine. Un vieil autochtone Iñupiat nommé Majik Imaje a confié au sujet de ces petites personnes et de leur force : « Encore aujourd’hui, ils vivent à l’ancienne et ils s’habillent de peau de caribou. Ils chassent toujours avec des arcs et des flèches. Ils vivent sous terre et dans des grottes sur toute cette immense région de l’Alaska. Ils sont incroyablement forts et ils peuvent courir très vite ; ils se faufilent autour des villages pour voler de la nourriture. Quand un chasseur quelconque tire sur un caribou et le tue, il faut deux hommes Inupiaq adultes pour soulever ce caribou afin de le poser sur une luge. Il ne faut qu’un seul Ingnakalaurak ou Enukin pour en ramasser un et courir avec sur sa tête. Des chasseurs, chasseurs expérimentés, parlent souvent de caribous sur lesquels ils ont tiré et qu’ils ont tués. Bien qu’ils soient morts, les caribous disparaîtront avant qu’ils les atteignent pour les vider et les préparer. Ne vous méprenez pas, ces gens sont très bons dans ce qu’ils font, ils sont peut-être les meilleurs chasseurs au monde ».

Les sublimes paysages du détroit de Béring, lieu de résidence d’Ice Gnome

Une très large région correspondant à la Réserve naturelle du détroit de Béring, de Shaktoolik au Sud à Kivalina au Nord, semble être la source de nombreux récits concernant les gnomes de l’Alaska. Outre une présence indéniable dans le folklore autochtone, nous nous permettons de reprendre les deux récits actuels les plus marquants sur ce petit peuple.

Premier récit/Une partie de chasse :

Un homme du coin avec qui je travaillais m’a raconté comment son oncle avait chassé avec un ami. Appelons-les « Eugène » et « Cameron ». Ces deux chasseurs autochtones de l’Alaska ont été décrits comme étant d’excellents tireurs d’élite et exceptionnellement talentueux pour naviguer dans les dangers des étendues sauvages. Ils suivaient depuis un certain temps un gros troupeau de caribous et les ont finalement rattrapés dans une vallée montagneuse.

Le duo s’engage dans la vallée en laissant derrière eux leurs quatre-roues pour ne pas effrayer le caribou avec des bruits de moteur. Là, au centre de la vallée, les bêtes placides broutaient les broussailles de la toundra. Eugene et Cameron ont grimpé un peu sur le côté ouest de la vallée, à travers une élévation vallonnée, et ont continué à perdre et à retrouver la vue du troupeau pendant qu’ils se trouvaient à portée. C’était la fin de l’après-midi et le soleil de l’ouest illuminait la vallée et le côté est des montagnes environnantes. Les chasseurs étaient dans l’ombre glaciale et se déplaçaient en silence.

Eugene et Cameron ont obtenu un bon point de vue pour sélectionner leurs cibles. À l’aide de jumelles, Eugene a examiné le troupeau pendant que Cameron prenait un bref instant pour fumer. Malgré l’éloignement, Eugène a repéré une curiosité : un trio de chasseurs de l’autre côté de la vallée. Ils avaient tué et nettoyaient un bœuf musqué, du moins semblait-il. Cependant, quelque chose n’allait pas, et Eugene l’a fait remarquer à Cameron, qui a immédiatement arrêté de fumer pour jeter un coup d’œil.

D’autres anomalies sont rapidement apparues. Il ne semblait pas posséder d’armes à feu, et les proportions corporelles de ces chasseurs étaient disharmonieuses : de grosses têtes avec des corps courts et des bras et des jambes proportionnés, mais clairement musclés.

Tout à coup, l’un des chasseurs a arrêté sa tâche et a levé les yeux du caribou. Sa main se leva brusquement, son index pointant droit vers le ciel. Les deux autres s’arrêtèrent aussi et regardèrent leur compagnon dans l’expectative. En un instant, le bras tomba parallèlement au sol avec le doigt pointé directement vers Eugene et Cameron. Les trois chasseurs tournèrent la tête en même temps pour regarder les hommes.

Surpris, tous deux tressaillirent, se regardèrent, puis revinrent vers le trio. Mais il n’y avait rien à voir. Pas de chasseurs, pas de caribous abattus, rien.

Après avoir tué leurs propres victimes, les deux amis sont allés enquêter sur le site où ils ont vu le trio et leur bœuf musqué. De petites taches de sang jonchaient la zone. De minuscules empreintes de pas, comme celles d’enfants, étaient éparpillées autour d’un cercle mais il n’y avait aucune longue piste à suivre.

– Second récit/Une disparition mystérieuse :

Un jeune homme d’une vingtaine d’années m’a raconté comment son frère aîné, Clyde, est allé visiter un village voisin par une sombre journée d’hiver sur sa motoneige. Sur le chemin du retour, son véhicule est tombé en panne et ne voulait pas démarrer. Puis, la neige a commencé à tomber. Sans couverture cellulaire et hors de portée radio, le gars a décidé de rentrer à pied. Mais il n’avait pas prévu que la neige tomberait aussi fort ; finalement, il est retourné sur ces pas alors que la température et la visibilité chutèrent de façon spectaculaire.

Non préparé aux conditions, le désespoir menaçait de consumer Clyde, mais il a lutté obstinément dans la neige qui s’épaississait. Alors que la fatigue s’installait, un morceau de débris invisible sous la couverture blanche l’a fait trébucher et Clyde a eu du mal à rester debout dans la neige tassée. En tentant de retrouver l’équilibre, il a glissé dans une congère escarpée et ses pieds se sont envolés sous lui. L’arrière de la tête de Clyde a cogné fort et il a perdu connaissance.

Clyde se réveilla un peu plus tard en sentant des mains le faire rouler dans la neige, mais il s’évanouit à nouveau. Finalement, Clyde revint à lui alors qu’il sentait une bousculade, puis quelqu’un le souleva d’un lit de fourrures. Engourdi par le froid et groggy, Clyde a essayé et n’a pas réussi à voir qui le maltraitait. Sa forme glaciale était doucement allongée dans la neige et Clyde leva les yeux. Il reconnut immédiatement une structure juste devant lui : sa propre maison.

Clyde a essayé de se retourner rapidement pour voir qui l’avait sauvé, mais ses mouvements étaient naturellement lents. Personne n’était là. Il crut entendre vaguement des sabots lointains marteler le sol, mais la neige tombait toujours durement et l’épais voile blanc obscurcissait à la fois l’ouïe et la vision. Il a trébuché dans sa maison et a été diagnostiqué le lendemain matin avec des engelures et une commotion cérébrale à cause de la bosse enflée douloureuse à l’arrière de son crâne.

La motoneige de Clyde a été retrouvée au printemps suivant, à 20 milles du village. À ce jour, Clyde et sa famille n’ont aucune idée de qui l’a sauvé.

Chers lecteurs , après ce vaste panorama des hypothétiques pygmées du Canada et de l’Alaska, et afin de poursuivre nos interprétations paléoanthropologiques, il serait intéressant de revenir sur le seul dépôt fossile actuel représentatif des paléoaméricains :  les squelettes fossiles de nourrissons de l’Upward Sun River  (Alaska) exhumés en 2018.

Exhumation des fossiles des nourrissons de l’Upward Sun River (The Atlantic, 2018)

Ces squelettes fossiles ont mis en évidence la présence, il y a 11 500 ans B.P., d’une population dite basale (Haplogroupe B), c’est-à-dire dont les gènes ne se retrouvent pas dans les populations amérindiennes actuelles, mais qui partage la même ascendance nord-asiatique. Nous pouvons noter que l’haplogroupe B est l’haplogroupe principal des populations pygmées actuels comme les Bakas (63 à 72 %) et les Mbutis (33 à 60 %). Outre la faible stature des pygmées nord-américains, le représentant du petit peuple décrit par Venant Saint-Germain (lac Supérieur, 1782) avait les « cheveux crépus comme ceux d’un jeune Noir ».

Modèle de dispersion des différentes branches de l’Haplogroupe C

La vague suivante, l’Haplogroupe C, absente pour l’instant du répertoire fossile nord-américain, se retrouve toutefois en pourcentage élevé chez les chasseurs-cueilleurs de la culture de Boisman. Les études génétiques montrent que les populations de Boïsman présentent une affinité génétique avec celles de la période Jōmon au Japon où se retrouvent, d’après nos recherches, les représentants du Petit peuple du Japon. Elles indiquent également que les Amérindiens partagent plus d’allèles avec les individus de la culture Boïsman qu’avec les autres populations de l’Asie de l’Est. Cette culture de l’Extrême-Orient Russe, apparue en 5000 ans B.P., présente des habitations qui sont petites (9 à 12 m2), rectangulaires et semi-enterrées.

Faute d’ossements fossiles, il est difficile de se projeter pour savoir si les représentants de la culture Boïsman étaient de petites tailles, même si d’autres porteurs majoritaires de l’haplogroupe C l’ont été, à l’exemple des Aetas des Philippines. Cet haplogroupe C, porté entres autres par les negritos (Aetas) et la culture Boïsman, a franchi le détroit de Béring vers 8000 ans B.P et se retrouve majoritairement dans les populations de langue na-déné (Haplogroupe C, branche C-P39).

Distribution géographique des langues na-dené

Chers lecteurs, la distribution territoriale des groupes na-dené, d’Haplogroupe C, est intéressante si l’on se livre à une lecture croisée avec nos dossiers sur les pygmées nord-américains : massivement présentes en Alaska (territoire de l’Ice Gnome) et en Colombie-Britannique (territoire des Mountain Dwarfs et des petits hommes documentés par Ivan T. Sanderson). L’Haplogroupe Q, majoritaire chez les autochtones amérindiens actuels, ne semblent pas pertinents dans le dossier des pygmées nord-américains car il est présent très tardivement et ne semble pas enclin à une souplesse adaptative vers le nanisme.

Nous pouvons donc supposer que, sous l’extrême pression climatique de l’Extrême-Orient Russe et du détroit de Béring, les vagues antérieures aux autochtones amérindiens (Haplogroupe Q) ont été davantage sujettes au nanisme, qu’elles soient d’Haplogroupe B (qui connait une occurrence vers le nanisme adaptatif avec les pygmées africains) ou bien d’Haplogroupe C (qui connait aussi un nanisme adaptatif avec les Aetas des Philippines).

Alors, ces nains du continent nord-américain ? Nanisme pathologique ou bien nanisme adaptatif ? Ces Ice Gnome et Little Foot, aux teints plus sombres, seraient-ils les poches survivantes des paléoaméricains dont trop peu de fossiles nous sont connus ? Sont-ils majoritairement de souche eurasiatique (Haplogroupe C), ce qui pourrait expliquer la faiblesse de leur stature et leur extrême vulnérabilité actuelle vis-à-vis de l’Haplogroupe Q (amérindiens actuels) bien plus majoritaire ? Autant de questions qui seront à défricher par un lent et patient travail de recherche d’archives et par une possibilité d’exhumer davantage de dépouilles fossiles afin de les étudier scientifiquement.

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