Les voisins des nutons

Si le nuton, dont nous avons exploré les contes et légendes, demeure le nain le plus emblématique de la Belgique, les autres massifs calcaires jeunes (Jura) et érodés (Vosges, Forêt-Noire) des alentours sembleront être des habitats tout aussi propices à l’établissement durable de notre peuple nain. Cher lecteur de Strange Reality, il sera grand temps de passer en revue les voisins les plus illustres de nos chers nutons !
Le kabouter de Flandres
L’écrivain Isidore Teirlinck décrit longuement les kabouters, un « petit peuple » caractéristique de la région flamande, qui ont droit comme les nutons ardennais à leur bouteille d’alcool, troquant la bière d’abbaye pour du gin artisanal !

(Marten Toonder et Hans G. Kresse, 1940)
« Ce sont de tout petits hommes, hauts de quelques pouces, de la grandeur d’un sabot de bois, vêtus d’un pantalon rouge et d’un frac gris, portant toujours le capuchon rouge (…) Ils habitent sous terre, ordinairement dans les collines et les talus, les ruines de vieux châteaux ou dans les tunnels désaffectés et, faute de mieux, ils utilisent comme habitations ordinaires les terriers de lapin, qui abondent en Flandre » (Isidoor Teirlinck, Le folklore flamand : folklore mythologique (1895), Wenworth Press, 2018. p. 218).
Antoine Schayes, compatriote d’Isidoor Teirlinck, se montre plus précis et détaillé dans son recueil testimonial sur les kabouters : « Au village de Gelrode, les paysans montrent une colline, appelée Kabouterberg, dans laquelle sont creusés plusieurs souterrains. Ils soutiennent gravement que ces grottes étaient la demeure des nains, que, lorsque le meunier du lieu avait besoin d’aiguiser sa pierre, il n’avait qu’à la placer à la porte de son moulin avec un pain mollet et un verre de bière ; qu’alors on voyait arriver de nuit un de ces nains qui, moyennant ce salaire, se chargeait d’aiguiser la pierre, et qu’au lever du soleil le meunier trouvait sa besogne faite. Il en était de même quand il voulait avoir son linge lavé. A un endroit près de Malines, on raconte qu’un meunier étant occupé à sasser de la farine, et n’ayant pu achever son ouvrage, remit le reste de la besogne jusqu’au jour suivant, et oublia, par inadvertance en partant, une beurrée qui faisait le reste de sa pitance. Le lendemain il fut bien étonné de trouver sa farine sassée et sa tartine disparue. Il tenta la même expérience, qui réussit ce jour et le suivant comme la première fois. Au troisième jour, curieux de voir quel était l’ouvrier qui travaillait la nuit pour un si léger salaire, il se cacha derrière ses sacs de farine, et vit arriver, vers minuit, un petit nain entièrement nu qui se mit incontinent à l’ouvrage. Notre meunier, homme pudique et mû de pitié à la vue de la nudité de son nain officieux, ajouta le lendemain un habillement complet à sa farine et à sa beurrée ; depuis lors le petit homme ne se montra plus qu’habillé des pieds à la tête. Il existe dans un grand nombre de nos villages des traditions semblables qui prouvent la simplicité de nos crédules et superstitieux campagnards ».

Antoine Schayes, approfondit son étude et évoque un rite funéraire bien curieux : « Les habitants du village de Herselt, dans la Campine, racontent qu’un grand nombre de ces nains étaient venus dans ce lieu à l’occasion d’une grande guerre ; qu’ils demeuraient près du village, dans des trous faits en terre au milieu d’un bois, et qu’ils venaient quelquefois dans le village demander l’une ou l’autre chose, sans faire le moindre mal aux habitants. Quand leurs femmes devenaient vieilles, ils les faisaient entrer, un pain mollet (brioche) en main, dans un trou en terre qu’ils recouvraient ensuite soigneusement. Les campagnards ajoutent que ces pauvres vieilles étaient très contentes de mourir ainsi. […] Cette superstition est encore en vigueur chez nos paysans […] Il en est de même de la croyance aux nains qui habitent les souterrains, les cavernes et les montagnes. […] ». (Antoine Schayes, Essai historique sur les usages, les croyances, les traditions des Belges anciens et modernes (1834), Editions Forgotten Books, 2018).
Une autre source corrobore ce pacte funéraire très curieux entre humains et kabouters : « L’équivalent des Nutons en Flandre sont les Kabouters. Ceux-ci sont mariés et leurs épouses, les Husses, qui ont un caractère loin d’être angélique. Elles cherchent continuellement querelle à leurs maris, à leurs frères, à leurs propres enfants, ne sont jamais satisfaites et tout leur fournit un prétexte pour vociférer et chercher la bagarre. C’est sans doute pour cela que les Kabouters, dès qu’elles avaient accompli quatre-vingts ans, s’empressaient d’aller les enterrer vivantes, en grande pompe et tout en manifestant une joie religieuse, leur donnant pour tout viatique un petit pain de cinq sous et leur disant affectueusement, avec une conviction pleine de promesses : « – Pars, vieille mère, tu retourneras rajeunie ! » (Roberto J. Payro, « Los Gnomos de Belgica, nutones y sotais », La Nacion, 10 Août 1924. Traduit par Bernard Goorden en 1982).
Existait-il un accord tacite entre les villageois et les kabouters sur les rites funéraires ? Les kabouters bénéficiaient-ils des techniques d’inhumation propres à leurs frères humains ? Loin d’être hostiles, les relations tissées entre les villageois de Herselt et les kabouters semblent plus étroites et bénéfiques que leurs voisins les nutons : « Ils ont d’autres manies et mettent leur astuce au service, notamment, de leur tendance au chapardage : c’est avec une rare habileté qu’ils s’emparent, la nuit, des petits objets qui éveillent leur envie, emportent la nourriture qui leur plaît, traient les vaches à l’étable. Et malheur à celui qui, les surprenant, tente de s’opposer à leur larcin ! Les Kabouters font appel à la magie et, malgré leur taille, flanque au trouble-fête une fameuse tripotée.
Ils aiment aussi se ménager des divertissements bouffons, en suscitant tout particulièrement des querelles entre les valets de ferme et en les excitant jusqu’à ce qu’ils en arrivent à se donner des coups de trique : les Kabouters forment alors le cercle autour des combattants, comme sur un ring moderne de boxe, et rient tant que dure la lutte, qu’ils s’emploient à prolonger le plus possible, en attisant la fureur des champions. Mais ils ont d’autres passe-temps favoris. Ils ne dédaignent pas jouer comme des enfants, à saute-mouton, à la course, à la marelle, etc. Ce qu’ils préfèrent cependant par-dessus tout, c’est danser avec leurs épouses, les acariâtres Husses, danseuses passionnées. Il faut les voir, les nuits de printemps et d’été, se dandiner en faisant la ronde, se tenant par la main et faisant de grands sauts et des cabrioles dans l’herbe, au clair de lune ! Que de joie ! Quel enthousiasme ! » (Roberto J. Payro, op.cit.).
Très présent dans le folklore flammand, les kabouters bénéficient aussi d’un large contexte culturel, qui va d’un mouvement politique anarchiste, à une marque d’alcool en passant par un café bruxellois, et bien entendu un personnage de série télévisée pour enfant.
fortunes et infortunes du kabouter dans la culture populaire




De gauche à droite : un mouvement anarchiste (1969-1974), un bar de Bruxelles, vedette de la série pour enfants Kabouter Plop (1997-2012), effigie d’une marque de gin artisanal
Le Sotré des Vosges
Un autre voisin du nuton est le sotré du massif vosgien. D’après quelques récits populaires belges, ils sont très petits et basanés, et portent des cheveux longs retombant en boucles crépues. Les grottes de la vallée de la Vesdre leur servent de domiciles. Ils réparent ce qu’on pose près des ouvertures des maisons de chaumes en échange de nourriture.
Selon Paul Sébillot, « Le lutin des Alpes se permet aussi de traire les vaches ; quand le Sotré des Vosges vient pour prendre leur lait, il commence par leur enlever les cornes, et s’il est surpris dans son travail, il ne les leur remet pas » (Paul Sébillot, Le Folklore de France – La Faune, Éditions Imago, 1984).
Cherchant noise aux pis des vaches, le farceur sotré s’en prend aussi à la crinière des chevaux. D’après Pierre-Jean Brassac, « il y avait autrefois à Montiers, un sotré, sorte de lutin futé de Lorraine. Il venait toutes les nuits dans l’écurie du père Chaloine pour étriller les chevaux, peigner leur crinière, etc » (Pierre-Jean Brassac, chapitre « Le sotré, malin lutin lorrain », in. Les Histoires extraordinaires de mon grand-père : Lorraine, Editions CPE, 2013. p. 37-39).
Ce lutin, dans le massif des Vosges, est réputé pour passer son temps à dormir, manger, s’amuser et à chanter des mélodies incompréhensibles à l’oreille humaine. L’ami sotré, génie protecteur des foyers domestiques, était un petit bonhomme malicieux et enjoué, bon et serviable à ses heures, gourmand, quelque peu pillard et paillard et effronté.
Ce lutin facétieux détestait qu’on le rudoie, qu’on le surprenne ou qu’on lui adresse la parole. Il se fâchait et sa colère était à redouter. Il s’occupait des enfants, des chevaux et des bêtes à l’étable. Le sotré des mines, appelé aussi le Petit Minou, était le génie protecteur des mines. Il parcourait les galeries et aidait les mineurs en les avertissant si un danger les menaçait.
Quand on redescendait l’hiver, les chalets étaient laissés aux petits êtres des montagnes, les sotrés, qui assuraient leur tour de garde. Dans les légendes, il s’agit de lutins mais, au vu de ce que le dossier Alpin nous a appris de ces créatures, ce pourrait être plus simplement de petits hommes primitifs.
Diverses fortunes du sotré dans la culture populaire


Fromage de vache Trou d’Sottai Sculpture du sotré

Les nains du Jura
Si la région alsacienne accueille le vieux massif des Vosges, elle abrite aussi une partie du jeune massif du Jura. Ainsi, les voisins des nutons ardennais et des sotrés vosgiens sont les nains alsaciens de la grotte de Ferrette. Nichée sur les premiers contreforts du Jura alsacien, Ferrette est une petite cité médiévale gardée par un château-fort haut perché datant du XIIème siècle. Il est souvent cité dans la liste des « Villages préférés des Français ».

A la sortie du village, un chemin balisé mène à la Grotte des Nains après une traversée en forêt du magnifique Erdwibalaschlucht, c’est-à-dire « le défilé des petites femmes de la Terre ». Cette gorge a été formée par le travail de l’eau dans le calcaire karstique. Au milieu de ce passage, un grand arbre s’élève pour atteindre la lumière : un tilleul âgé de plus de 140 ans. Située au fond de la gorge, la Grotte des Nains prend l’apparence d’une cavité qui s’ouvre dans la paroi rocheuse et se continue par deux boyaux, le tout développé sur plus d’une quinzaine de mètres.

Selon les récits médiévaux, cette grotte était occupée par des nains : « Il y avait un temps où la Caverne des Loups (Wolfshöhle), située à quelque distance de Ferrette et enfoncée dans les rochers de la Heidenflüe, était habitée par une peuplade de nains. Ils y avaient des chambrettes taillées dans le cristal de roche et tous les meubles étaient d’argent. Chacune de ces chambrettes était occupée par un couple de nains, homme et femme. Tous ceux qui les avaient vus étaient émerveillés de la beauté de leurs traits et surtout de l’éclat particulier de leurs yeux qui brillaient comme des étoiles. Ils n’avaient point d’enfants et jouissaient d’une jeunesse éternelle. Souvent ils prenaient plaisir à descendre dans la vallée et à entrer dans les habitations dispersées çà et là sur les flancs de la montagne, et leurs voix douces et mélodieuses cherchaient à imiter le langage des pâtres et des laboureurs qu’ils venaient visiter » (Revue d’Alsace, 1851).

Selon d’autres sources, c’était surtout au temps de la moisson qu’on les voyait sortir en foule de leurs riches demeures souterraines. Armés de leurs faucilles, ils venaient se placer au milieu des paysans, que leur présence remplissait de joie et d’espérance. Aussi ceux-ci se montraient-ils plein de reconnaissance envers les nains et ne manquaient-ils pas de les convier à leurs rustiques festins et à leur servir tout ce que cuisine et cave pouvaient fournir d’excellent.
Les hommes étaient étonnés des longues robes que portaient les nains et qui empêchaient les curieux d’en voir les pieds. Quelques jeunes filles de la vallée ne pouvant réprimer plus longtemps l’envie de savoir quelle forme avaient ces pieds, résolurent un jour de surprendre le mystère des nains. Elles se rendirent donc, avec le lever du soleil, à la Caverne des Loups et, après avoir couvert de sable le plateau de pierre qui se trouvait à son entrée, elles se cachèrent dans les broussailles, pensant que lorsque les nains feraient leur promenade matinale dans la forêt pour y boire les gouttes de la fraîche rosée et sucer le doux miel renfermé dans le calice des fleurs, leurs pieds ne manqueraient pas de laisser des traces dans le sable. Dès que le soleil jeta ses premiers rayons sur les rochers de la Heidenflüe, les nains parurent à l’entrée de la grotte, et ne se doutant nullement de la malice des paysannes que la curiosité avait rendues si ingrates, ils traversèrent le plateau pour descendre dans la forêt. Mais à peine les jeunes filles eurent-elles aperçu que les nains laissaient dans le sable des traces de pieds-de-chèvre, qu’elles partirent d’un grand éclat de rire. Les nains se retournèrent tout étonnés, et se voyant trahis, ils se retirèrent dans leur caverne pour n’en plus jamais sortir. »
Le massif schisteux rhénan abrite aussi en son sein quelques histoires de nains sur son versant allemand. Par exemple, en Westphalie, les duttens de la forêt de Minden sont tenus pour un ancien peuple païen de petite taille, qui aurait péri de façon misérable une fois les germains implantés dans cette région. Cette information précieuse ne peut malheureusement être étayée, faute de sources fiables à ce sujet. Nous gardons encore ce dossier très prometteur des duttens allemands sous instruction.
Les nains les mieux documentés d’Allemagne demeurent les bergleutes, peuple de mineurs hantant le massif montagneux de la Forêt-Noire. Aussi appelés Bergmännchen (« petit peuple de la montagne »), les bergleutes sont apparus pour la première fois dans le folklore germanique, mais se sont rapidement répandus dans tout le folklore d’Europe de l’Ouest.

Les bergleutes sont gais, généreux, pacifiques et travailleurs. Ils prennent notamment soin des animaux blessés, des vagabonds et des enfants perdus dans la forêt. Tout comme les nains de Blanche-Neige(1937) de Walt Disney, ils vivent en communauté dans de jolies chaumières forestières, situées près de la mine où ils travaillent. Leur présence est signalée principalement au XVIème siècle, près des mines de diamant. Ces nains sont extrêmement liés aux minerais enfouis dans la terre. Ils peuvent en ressentir les émotions et dialoguer avec eux. La légende dit qu’un jour un bergleute nommé Nickel baptisa de son nom un minerai auquel il était très attaché.

Chers lecteurs de Strange Reality, merci de nous avoir apporté une nouvelle fois du crédit et de l’attention sur les peuples nains voisins des nutons. Nous verrons dans un prochain article les demeures et constructions associées à ce petit peuple.
Bonjour,
Pour l’étymologie de « nickel », l’article wikipedia dit : « L’allemand kupfernickel fait aussi référence à l’action supposée des nains, génies ou gnômes maléfiques des mines, les « nickels du cuivre », sur les veines de cuivre ou de minerais de cuivre, comme d’ailleurs sur les autres veines de minéraux intéressants, par exemple riches en métaux précieux. Selon les auteurs, les nains ou nickels cachaient, subtilisaient ou rendaient invisible la bonne matière évidemment recherchée, comme ils provoquaient malicieusement des tremblements, des bruits ou résonances inquiétantes, des failles perverses où s’infiltraient de l’eau qui ennoyait les galeries ou étaient larguées des vapeurs méphitiques. La dénomination des nains vient de leur patron ou intercesseur médiéval saint Nicolas ou sankt Nickelaas, en latin ecclésiastique Sanctus Nicolaus17. Au xiie siècle, ce saint protecteur des navigateurs, garant de l’équilibre et de la stabilité du monde naturel et des équipements de l’artifice humain, assurait, par sa dévotion et la perpétuation sous son égide des anciennes pratiques ritualisées de mineurs saxons ou germaniques, la tranquillité et la sécurité du milieu minier, comme le calme des flots marins ou fluviaux. »
J’ai vu aussi que « kupfernickel », d’où « nickel » signifiait « cuivre de Nick », donc du Diable, supposé placer ce métal inintéressant (à l’époque) parce que difficile à travailler, et pouvant passer pour de l’argent, donc trompeur.
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Merci Jean Roche pour la qualité de vos réflexions. Ce dossier des « nains mineurs » du Moyen-âge et de la Renaissance, très dense, mériterait un article touffu à part entière. Etaient-ce des nains cliniques (achondroplases) ou des nains biologiques (communautés ethniques). Très difficile de trancher, sans doute les deux facteurs devaient être présents. Un passionnant travail d’enquête nous attend !
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Bonjour,
Comment ne pas être étonné devant les régularités des archétypes liés aux nain(e)s, c’est assez impressionnant^^
Voici une conférence de Jean-Loïc Le Quellec sur la formation des mythes et leur diffusion sur la surface du globe: https://www.youtube.com/watch?v=HCD27vR6DHk
Je vous la conseille, si vous ne la connaissez pas, elle pourrait donner des pistes pour étayer ce que je crois percevoir sous la rose de ce que vous avez développé pour l’instant!
Merci pour votre excellent travail,
Cdt
Jules
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Merci ju pour votre commentaire toujours très pertinent et votre enthousiasme. Oui, les histoires étranges et extraordinaires, qu’elles aient un fond de vérité ou pas, étaient les plus à même d’être colportés de village en village, de foire en foire, de voyage en voyage. Ces nains marquaient évidemment par leur tailles, très certainement par leurs mœurs, et s’inscrivaient par là durablement dans les récits oraux.
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Hello!
Il faut lire cet article d’urgence 😉
https://www.gurumed.org/2022/10/13/les-258-lgendes-traditionnelles-austronsiennes-sur-la-prsence-de-petits-hommes-sombres-confirmes/
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Bonjour Ju,
Merci pour cet article très instructif sur les petits hommes primitifs de Taiwan. Les recherches menées tendent effectivement à mettre à jour des corrélations entre le répertoire fossile, les récits oraux et les peuples pygmées asiatiques actuels (Negritos). Passionnant
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