Les héritiers
Barsbold Rinchen
Bien que n’étant plus un état-satellite de la Russie depuis 1992, la République populaire de Mongolie mettra encore vingt ans avant de se décider à déboulonner l’imposante statue de Lénine face au siège du gouvernement. En 2015, la place de la Bibliothèque nationale à Oulan Bator s’orne d’une statue davantage plébéienne, en l’honneur de Byambin Rinchen (1905-1977), réalisée par l’architecte B.Denzen, son propre petit fils .



La déchéance de Lénine, la renaissance de Rinchen
Si l’Etat mongol fait honneur par l’art statuaire à l’homme de lettre, au linguiste et au savant homme, que reste-t-il vraiment de son héritage hominologique ? Y a-t-il eu un leg, pour les générations futures, de sa passion scientifique à l’égard de l’almas ?
Son fils Barsbold Rinchen, comme en écho au best-seller Zaan Zaluudai (Aube, 1935), l’épopée préhistorique de son père, devint un paléontologue de renommée mondiale, n’hésitant pas à transmettre l’héritage paternel en conversant avec le monde occidental, et plus particulièrement avec Tjalling Halbertsma dès 2007.
Les théoriciens

Conseiller politique et anthropologue, le néerlandais Tjalling Halbertsma est installé en Mongolie depuis 1996, où il entreprend une série de trois entretiens avec le fils de Rinchen sur la question de l’almas, dépoussiérant cette fameuse découverte des deux crânes, sans négliger toutefois sa carrière politique, devenant conseiller en communication du premier ministre Nambaryn Enkhbayar, qui remporta l’élection présidentielle de 2005. Jonglant brillamment entre recherche hominologique et une carrière dans les hautes sphères de l ‘administration mongole, ce touche-à-tout aborda le champ cryptozoologique avec Chasseurs de Yéti (2008), avant d’écrire la somme la plus importante sur l’almas à ce jour : Homo sapiens almas (Editions Buchmania, 2012).


Homo Sapiens Almas (2012) de Tjalling Halbertsma. Redmond O’Hanlon est né en 1947, dans le Sud de l’Angleterre. Il relate dans ses ouvrages ses nombreux voyages à travers le monde, des jungles les plus inextricables de la planète (Amazonie, Congo, Bornéo…), jusqu’aux confins de l’Atlantique Nord. Lorsqu’il s’est rendu en Mongolie pour filmer pour un programme télévisé, il est entré en contact avec Halbertsma. Ce livre est donc le récit de leur rencontre, l’occasion d’un compte rendu de la recherche sur l’ almas.
Emboîtant le pas d’Halbertsma, son collègue scandinave Ingvar Svanberg évoqua les recherches sur l’almas dans une revue anthropologique à comité de lecture à travers l’article Wild men in Central Asia (Anthropos n°112, 2017).
Enfin, un dernier théoricien, Nathan Wenzel, produit un imposant article d’une quarantaine de pages (The legend of the Almas : A Comparative and Critical Analysis, ISP Collection, 2009), fruit de son travail précieux de collectes de témoignages oraux à Dadal et Oulan-Bator en 2008. En s’immergeant dans la culture mongole, Nathan Wenzel a su tirer toute l’ambivalence de la figure de l’almas aux yeux des populations locales : tantôt positif (protecteur, bienveillant), tantôt négatif (menaçant pour l’homme, croquemitaine des enfants), l’almas devient au fil des discussions la métaphore vibrante d’un monde naturel détruit et ravagé par la civilisation.
Les aventuriers
Tout comme Nathan Wenzel, un homme de terrain expérimenté, le chasseur de météorites Pierre-Marie Pelé, s’est immergé dans la culture mongole en 2009 afin de recueillir les témoignages sur l’almas de la bouche-même des locaux. Dans la petite bourgade reculée de Tsengel, l’aventurier interrogea l’iman sur la présence de l’almas dans la région.

La génération la plus jeune n’a plus connaissance du sujet qui demeure du pur folklore. Pour l’iman du village, c’était différent : il n’avait plus entendu parler de témoignages depuis la fin des années 1980 mais il avait lui-même vu plus jeune un almas dans les années 1950, rencontré à une vingtaine de kilomètres au sud-ouest de Tsengel, sur les rives de la large rivière Hovd. Pierre-Marie Pelé montra à ses interlocuteurs une feuille où étaient imprimés plusieurs portraits d’hommes sauvages (bigfoot, almas, Neanderthal, etc.), et l’iman pointa du doigt sans aucune hésitation possible le croquis de l’almas comme étant le plus proche de ce qu’il avait vu dans les années 1950.

Récemment, l’aventurier le plus intrépide qui se lança à la poursuite de l’almas fut sans conteste Jean-Louis Maurette, chasseur d’épaves reconnu et président de l’association quimperloise Expédition Scyllias. En 2013, accompagné de son ami banquier bourguignon Henry de Tydère, il se lança à l’assaut du rude massif de l’Altaï dans l’espoir de photographier l’almas.

Si Jean-Louis Maurette et Henry de Tydère ont choisi d’explorer l’Altaï, c’est parce qu’en 2010 y ont été découverts des ossements d’une troisième espèce d’homme préhistorique distincte des Néandertaliens et des Homo sapiens, à savoir l’homme de Denisova. Et si l’exploration de 2013 est malheureusement demeurée stérile, Jean-Louis Maurette aura plus de chance à partir de 2014 avec ses nombreuses Almasty expeditions.

Sans doute galvanisé par l’exemple de Jean-Louis Maurette, le biologiste Gustavo Sanchez Romero part à l’aventure sur les terres du Ksy-Gyik d’Asie centrale en lançant une vaste expédition au Kirghizstan en 2017. Si la recherche sur le terrain n’a malheureusement pas ramené d’indices matériels probants, quelques témoignages dignes de foi ont pu être récoltés, agrémentés de magnifiques photographies de la nature sauvage kirghize.


Une poignée d’hommes passionnés, qu’ils soient académiciens (Tjalling Halbertsma, Ingvar Svandberg, Nathan Wenzel) ou bien aventuriers (Pierre-Marie Pelé, Jean-Louis Maurette, Gustavo Sanchez Romero), ont su au XXIème siècle raviver la flamme de l’homme sauvage mongol négligée par les grands cryptozoologues du XXème siècle (Bernard Heuvelmans, Boris Porchnev, Ivan T. Sanderson) et définitivement étouffée par la mort de Byambin Richen en 1977.
Grâce à leurs travaux de mises à jour des sources mongoles, j’ai pu me passionner pour ce sujet méconnu et vous livrer une synthèse exhaustive sur cet énigmatique almas des confins de la Mongolie, qui peut à la lecture conjointe de tous ces travaux ne plus rougir face à ses illustres ainés (Yeti du Tibet, Yeren de Chine, Almasty du Caucase, Sasquatch du Canada). Chers lecteurs de Strange Reality, c’est ainsi que se referme, par votre lecture attentive et vos retours enthousiasmants, ce long cycle constitué de huit articles sur les archives oubliées de l’almas !