Petit peuple d’Afrique

Sculpture centrafricaine représentant le Kiri komba (courtoisie Christian Le Noël)

Chers lecteurs de Strange Reality, nous débuterons avec les premières traces que l’on a pu repérer d’un petit peuple africain mystérieux, elles nous viennent du folklore du Mali : « selon le premier de ces mythes, enseignés par les maîtres malinkés, les « boli des chasseurs », donso boliw, les plus anciens des boli, sont des créatures mythiques ressemblant à des lutins ou bien à des nains.

A peine plus grands que des bébés qui apprennent à marcher, ces créatures, appelées wòklò ou wòkulò par les Malinkés et les Bambaras, se caractérisent en outre par la grosseur de leur tête, l’abondance de leur système pileux (il arrivait que leur barbe et leurs cheveux traînent par terre), la force de leur musculature et la position de leurs talons placés à l’avant de leurs pieds. Ils vivraient exclusivement en brousse, dans les grottes et les cavernes sombres, les anfractuosités et les creux des baobabs, même s’il arrive qu’on les rencontre parfois, le soir venu, dans les rues du village, dans la cour des maisons ou dans les contreforts des sanctuaires et des mosquées. Enfin, ils ne quitteraient leur retraite qu’entre le milieu de la nuit et l’aube, et pendant la canicule, de midi à 14h, moment où gens et bêtes font la sieste.

Par ailleurs, ils seraient les conducteurs et propriétaires des troupeaux d’antilopes chevalines et ils passeraient la majeure partie de leur temps à se déplacer à la recherche de leur pitance. Ils seraient particulièrement friands de mille-pattes, de gratins et fumeraient volontiers la pipe » (Youssouf Cissé, « Les nains et l’origine des boli de chasse chez les Malinkés », in. Systèmes de pensée en Afrique Noire n°8, 1987).

Le baobab au tronc creux, habitat de prédilection du petit peuple africain

Mais qui sont ces boli maliens ? Des nains mythiques ? De simples idoles chargées qui auraient été confectionnés par des marabouts ? Des survivants fossiles ? D’authentiques pygmées ? Chers lecteurs, nous allons explorer toutes ces pistes le long de ce dossier sur le petit peuple africain.

 République Démocratique du Congo

Les impénétrables forêts congolaises, possèdent un riche folklore sur des créatures mythiques.

L’eloko (ou eiloko), dont le nom signifie « la chose », la « créature », est le croquemitaine du peuple Nkundo en République Démocratique du Congo. Ce nain repoussant à l’odorat développé, qui possède une large bouche, une barbe semblable à de l’herbe et porte des vêtements fabriqués à partir de feuilles, se cache dans le creux des arbres pour surprendre ses victimes.

Il utilise des cloches pour ensorceler ses proies. Il se nourrit exclusivement de viande humaine et peut faire en sorte que la personne qu’il a charmée découpe de son propre corps la pièce qui servira à son repas. Mais le nain folklorique le plus solidement documenté sur le territoire congolais demeure sans conteste le dodu, mis en évidence dans un précédent article : Anthropoïdes inconnus du Congo.

Le dodu est un hypothétique hominidé signalé dans les forêts tropicales du sud-est du Cameroun, décrit comme une créature naine et velue avec seulement trois doigts. Il est également connu pour son régime alimentaire inhabituel, tuant apparemment des animaux, les laissant pourrir, puis se nourrissant des asticots attirés par les carcasses. Ses iris seraient verticales et il produirait une odeur nauséabonde, comme celle des « choses mortes ». Il est bien connu des Baka pour construire des tas de bâtons sur le sol forestier

Bill Gibbons, toujours à la recherche du dodu congolais (Michel Ballot, 2012)

Le cryptozoologue Bill Gibbons a entendu parler du dodu pour la première fois en 2000, lorsqu’il s’est rendu au Cameroun avec le créationniste Dave Woetzel pour enquêter sur le dossier du mokele-mbembe dans ce pays. Parmi les nombreuses images zoologiques, paléontologiques et cryptozoologiques que Gibbons a montrées au peuple Baka local, une illustration du kalanoro tirée de The Field Guide to Bigfoot and Other Mystery Primates (1999) de Loren Coleman et Patrick Huyghe a été identifiée comme étant proche du dodu. Selon Juan Antonio Gutierrez, son aire de répartition est vaste, s’étendant des rivières Lobeke et Sangha à l’est jusqu’au fleuve Dja à l’ouest.

Lors de la deuxième expédition de Bill Gibbons au Cameroun en 2001, dans la région du cours inférieur de la rivière Boumba, on lui a appris que quelques mois auparavant, des hommes blancs accompagnés de pisteurs locaux avaient capturé un dodu vivant, qui était exposé dans la ville de Moloundou, près de la frontière avec la République du Congo. Si le rapport est vrai, ce qui est arrivé au dodu par la suite est inconnu, mais Gibbons suppose que les hommes blancs non identifiés étaient des bûcherons. Un autre dodu aurait été tué par des pygmées Baka près du village de Keka, sur la rivière Ngoko, et aurait ensuite été vendu à un marchand de bois français.

Michel Ballot et ses amis pisteurs (Michel Ballot, 2019)

Le cryptozoologue Michel Ballot a reçu le récit d’un mystérieux primate lors de son expédition en 2016 dans la région de Nki Falls. Son pisteur lui a raconté que, une vingtaine d’années auparavant, lors d’une mission d’exploration envoyée par le gouvernement camerounais, il avait aperçu des singes inconnus, qui n’étaient ni des chimpanzés, ni des gorilles, dans certaines grottes bordant le fleuve Dja. Ballot a également interviewé un pisteur qui affirmait avoir suivi la trace d’un dodu, identifié par ses « trois énormes orteils », pendant sept jours en 2000. Michel Ballot aurait recueilli des récits le long de la Sangha de dodus poursuivant des femmes.

Alors, que diable sont ces eloko et dodu ? Sont-ce des hominidés cryptides ? Ou bien d’authentiques pygmées appartenant à des tribus éloignées de toute civilisation ? La question mérite d’être posée, tant les descriptions de véritables pygmées sont fantasmées jusqu’à la fin du XIXe siècle : « « Un matin j’entends des exclamations ; je m’informe et j’apprends qu’Abd-es Samate s’est emparé d’un nain de la suite du roi et il me l’apporte. Malgré la vive résistance du capturé, je vois en effet arriver Samate ayant sur l’épaule une étrange petite créature dont la tête s’agite convulsivement et qui jette partout des regards pleins d’effroi… J’ai enfin sous les yeux une incarnation vivante de ce mythe qui date de milliers d’années. » (G. A. Schweinfurth, Au cœur de l’Afrique (1868-1871), Editions Hachette, 1880).

Enfants pygmées : du jardin d’Eden à la misère la plus totale.

Désormais, la vision des dernières communautés pygmées n’est plus idyllique mais bien sinistre, tant ces populations s’acculturent, sombrant dans la misère la plus sombre et noyant leur chagrin dans l’alcool. Ainsi, un rapport datant de 2013 montre que des commerçants ont exploité des enfants de la tribu Baka pour le nettoyage de latrines. Les pauvres gosses étaient rémunérés en colle à sniffer.

Les parents, illégalement expulsés de leur profonde forêt, sont souvent payés 5 verres d’alcool local (eau-de-vie à basse de palme ou de manioc) la demi-journée de travail pour… abattre du bois ! Le même type de marchandage se produit aux abords des mines de Coltan où contre des radios, du tabac et toujours ce poison d’ alcool, les pygmées se faufilent dans les filons les plus étroits au péril de leurs vies. 

Les pygmées Bambuti travaillent dans les champs des propriétaires terriens havu, des Bantous qui les traitent souvent avec mépris et les rémunèrent moins que les autres travailleurs. Ce que confirme Habimana qui désherbe un terrain sur lequel un homme d’affaires havu veut construire un hôtel. Elle ne gagne qu’un tiers du salaire des autres employés et pour compléter ses revenus, elle vend des poteries au marché.

Boire, danser ou sniffer permet aux Pygmées d’oublier le reste du monde. D’oublier les Bantous qui les méprisent et les traitent en esclaves ; d’oublier leur forêt pillée par les bûcherons ; d’oublier les champs qui les repoussent ; d’oublier surtout que leur monde disparaît chaque jour un peu plus.

Communauté pygmée Baka se mobilisant contre les addictions (Cameroun)

Afrique centrale

Au Ghana, l’asamanukpai est une créature naine de la taille d’un singe, portant une barbe rouge, noire ou blanche. Comme le curupira brésilien, il a les pieds tournés vers l’arrière. Il a souvent été aperçu en train de danser sur des affleurements de quartz, qu’il polit de ses piétinements. En gagnant sa sympathie au moyen de cadeaux – des fruits sucrés, de l’eau, du rhum ou des poupées par exemple -, il peut presser le jus d’un fruit féérique sur les yeux de son bienfaiteur, lui octroyant la capacité de voir l’avenir et lire les pensées des gens. Mais s’il a été dérangé, il ira perdre le malotru dans une jungle. Le seul moyen d’échapper à ces derniers, qui engendrent des saignements de nez et créent des plaies ouvertes sur leurs victimes, est d’apprendre une langue qu’ils ne connaissent pas et de s’enfuir pendant qu’ils essaient de comprendre les paroles prononcées.

Pygmée atteint d’une pathologie dégénrative des jambes et des pieds (Austin J. Shelton, A North Nsukka Ibo Origin Legend, 1965)

Sur le terrain biologique, ces hommes aux pieds rétroversés pourraient être atteints d’une pathologie nommée l’hallux varus. Les pieds concernés par cette maladie ont subi un traumatisme important, notamment liée à une inflammation soudaine des tissus musculaires à la suite de marches prolongées avec les pieds nus. 

Mais la créature naine la plus emblématique de l’Afrique centrale demeure sans conteste l’ « agogwe » de Tazanie. Le premier rapport circonstancié provient du capitaine William Hichens, un Anglais et ancien fonctionnaire qui, dans les années 1920, alors qu’il chassait le lion la région de Wembere, au centre-ouest de la Tanzanie, a observé deux créatures émergeant d’une forêt dense. Ressemblant à des « petits hommes », les créatures étaient sans queue, couvertes de poils « roux », se tenaient debout 1,2 mètre de haut et marchait droit. Évidemment familier avec la vie locale des primates, Hichens remarque que ces créatures étaient peut-être des singes, mais elles n’étaient pas ordinaires : ni singes, ni babouins, ni colobes, ni Sykes, ni aucune autre espèce répertoriée en Tanzanie.

Les efforts  d’Hichens pour suivre les étranges créatures naines furent vains. Réagissant avec une peur et un étonnement mêlé, un chasseur indigène accompagnant l’Anglais a également vu les créatures. Ils les ont identifiés comme des « agogwes », des êtres rarement rencontrés qui, selon ce que les villageois ont dit plus tard au capitaine Hichens, venaient biner les jardins des gens la nuit en échange de nourriture et de bière de millet (William Hichens, « African Mystery Beasts », in. Journal of Discovery, 1937).

Le cryptozoologue belge Bernard Heuvelmans, dans son ouvrage Bêtes humaines d’Afrique (Editions Plon, 1980), compare le rapport d’Hichens à deux autres récits d’hominoïdes d’Afrique de l’Est. L’un d’eux fait brièvement référence aux « petits hommes rouges » qui habitent la région d’Embu, à l’est du Kenya.

L’explorateur et cryptozoologue Christian Le Noël a rapporté de ces périples en terres africaines en 1980 cette statue correspondant à un esprit « chargé » qui serait à l’effigie du « kara-komba », une créature naine de Centrafrique. Le témoignage vidéo de Christian Le Noël sur les nains de brousse se trouve ici, avec une analyse d’une empreinte de pied nu.

Statue centrafricaine représentant un kara-komba (courtoisie Christian Le Noël, 1980). Christian Le Noël mis en scène par l’ artiste illustrateur Camille Renversade dans Dragons et chimères (2008).

Dans son livre d’enquête (Dossier X. Les hominidés non identifiés d’Afrique, Editions Robert Laffont, 1990), l’anthropologue française Jacqueline Roumeguère-Eberhardt revient sur deux témoignages mettant en scène des créatures humanoïdes de petites tailles.

« Moi, je connais d’autres hommes étranges. Ce sont les Kapopwo des forêts de Tanzanie. Ce sont des gens de petite taille qui habitent dans des baobabs. Avec un petit bâton pointu, ils passent leur temps à déterrer des tubercules et des racines dont ils se nourrissent. Je les ai vus plus d’une fois : des hommes, des femmes et des enfants. Les femmes portent les enfants sur le dos, sans lanière pour les retenir, car elles ne portent pas d’habits. Les enfants se cramponnent donc, comme ils peuvent, au dos de leur mère. Ils semblent ne posséder qu’un bâton à fouiner, car nous ne les avons jamais vus avec des arcs et des flèches ou même une lance ou un couteau ; pourtant ils sont très intelligents. J’ai été, en leur absence, examiner les demeures qu’ils se taillent dans ces grands arbres. Pour y accéder, ils enfoncent dans le tronc des piquets formant un escalier jusqu’à ce qu’il se trouve ne hauteur, puis ils creusent une plateforme à l’intérieur du tronc de l’arbre dont le bois est très mou, pour y installer un lit de feuilles et d’herbes. Certains creusent des habitations à plusieurs étages. Je les ai entendu se parler entre eux, la tonalité de leur langue ressemble au sokoma, cependant c’est un langage différent, bien distinct » (Jacqueline Roumeguère-Eberhardt, id., p.145).

« On a aussi vu une petite femme X dans cette forêt. Un jour les gens ont voulu lui jeter des pierres, mais elle a commencé à hurler : « Whaa, Whaa ! ». Ayant pitié d’elle, ils l’ont alors laissé tranquille. Ma co-épouse l’a aussi rencontrée. Nous venions d’installer un campement temporaire à la lisière de la forêt, comme nous le faisons en période de sécheresse, laissant les vieux et les enfants dans notre village au pied de la montagne. Ma co-épouse partit tôt un matin pour amener du lait à ma mère qui habitait le village du bas. Elle devait longer la forêt ; alors qu’elle suivait le petit sentier, elle rencontra soudain une petite femme X portant une cape de peau déchirée. Effrayée par ce spectacle insolite, elle lui a vite tendu sa calebasse de lait en disant : « Prends ceci ; je te l’ai apporté en cadeau. Je retourne chez moi pour en aller en chercher une autre pour ton enfant ».

La petite femme prit la calebasse qu’on lui tendait, mais, ne sachant comment boire le lait, elle se mit à ronger le bouchon de la calebasse, croyant peut-être que c’était un fruit, pendant que ma coépouse se sauvait au campement. Cette X4 ressemblait exactement à un être humain, mais elle était exceptionnellement petite, avec sur son corps toutes sortes de choses de la forêt : des feuilles, des graines, des brindilles et des fleurs. Elle ne semblait pas avoir peur de ma coépouse, car elle était debout, sans broncher, et la regardait s’approcher d’elle » (Jacqueline Roumeguère- Eberhardt, id., p.157).

Bernard Heuvelmans analysera ainsi les créatures naines du dossier X : « Parmi tous les traits énumérés, on en rencontre qui caractérise les Pygmées de la forêt (la taille réduite, la grosse tête, la pilosité légère, la puissance musculaire, le penchant pour le miel). […] Celui-ci paraît beaucoup plus proche d’une forme pygmée d’Homo sapiens que de l’Australopithèque gracile, vraisemblablement plus poilu. Je le rangerais donc parmi ceux que, à la suite de mon vieil ami Ivan T. Sanderson, j’ai appelé Proto-pygmées ».

Jacqueline Roumeguère-Eberhardt a cherché X toute sa vie en Afrique de l’Est

Retour en Afrique du Sud

Nous avions précédemment vu, dans Pygmées d’Afrique du Sud, entre légende et fossiles, la richesse du répertoire fossile sud-africain associé à des hominidés de petites tailles : d’abord, avec l’Australopitrhecus prometheus de Ron Clarke (2007) ; ensuite, avec l’Homo gautengensis de Darren Curnoe (2010) ; enfin, avec l’Australopithecus sediba (2010) puis l’Homo naledi (2015) de Lee Rogers Berger. Le folklore sudafricain n’était pas non plus avare en créature naine, allant du lilliputien abatwa au tokoloshe marabouté. Mais je souhaite retenir votre attention, dans ce chapitre, sur un dossier jamais véritablement élucidé présentant des pygmées authentiques : les vaalpens du Transvaal.

Yves Guyot, anthropologue, journaliste et politicien de gauche sous la IIIe République, nous fait parvenir un débat qui a animé les cercles anthropologiques français au tout début du XXe siècle : « Après la séance du 6 juin, dans laquelle j’avais parlé des Vaalpens comme étant les autochtones de l’Afrique du Sud, notre collègue M. le docteur Thulié, qui s’est occupé tout spécialement des populations de l’Afrique du Sud, me demanda si je ne pouvais pas me procurer quelques renseignements autres que ceux que m’avait fournis le volume publié par The south African native races committee. Profitant d’un séjour à Londres, je suis allé voir son secrétaire honoraire, M. Alfred T. Fox, qui me dit d’aller voir M. Keane, ancien vice-président de l’Anthropological Institute, et auteur d’ouvrages importants sur l’Anthropologie. Il me dit que ses renseignements venaient de source Boer, mais qu’il les considérait comme dignes de foi. Il en a tiré tout ce qu’il pouvait en dire dans son ouvrage paru en 1900 : The Boers states. Je traduis les deux passages consacrés aux Vaalpens.

On les trouve dans la boucle que décrit le Limpopo ou nord-ouest du Transvaal, appelée communément le Bosch-Veld (la brousse). « Celte région est située dans la vallée du Limpopo, dit M. Keane, où le sol s’abaisse à 2.000 ou 3.000 pieds, et même moins, au-dessus du niveau de la mer. C’est une région chaude, humide, malsaine et boisée qui abrite le gros gibier qu’on trouve encore dans le pays : l’éléphant, le rhinocéros, le buffle, le lion et le léopard ; l’hippopotame et le crocodile y abondent, spécialement dans les basses parties inaccessibles du Limpopo.

Les impressionnantes chutes Debengeni dans The Boers states (1900) de M. Keane

Cette région est aussi le véritable domicile des Vaalpens, les plus dégradés de toutes les populations de l’Afrique du sud » […] « Ici sont les Vaalpens, les plus bas des bas dans l’échelle sociale, la lie de l’humanité, tel qu’il est à peine possible de concevoir des êtres plus dégradés, qu’on puisse considérer comme des hommes.

Les vrais Vaalpens, qui ne sont connus que par les Boers vivant dans leur voisinage, sont entièrement confinés dans le Zoutpansberg, le Water-berg, le Owarsberg et autres districts du nord du Transvaal, sur les bords du Limpopo, dans la zone de la mouche tsétsé.

« Ils s’appellent eux-mêmes Kattea. Le nom de Vaalpens est dérivé de « vaal » « poussière grise, » et de « pens » « punch » et indique la couleur de la terre, acquise par leurs corps dans les trous creusés dans le sol. Mais leur vraie couleur est presque celle de la poix noire : et comme ils n’ont guère que quatre pieds de haut (1m20), ils sont complètement distincts de leurs grands voisins les Bantous et les Bushmen jaunes.

« Les chiens et les vautours » comme les appellent les Zoulous, sont certainement beaucoup plus dégradés que les Bushmen. Ils n’ont pour habitation que des trous dans le sol, des abris sous des rochers et des cavernes, et, dans ces derniers temps, quelques huttes de boue et de feuillage au pied des collines ou, dans l’été, sur la prairie (le veld).

La tribu des vaalpens dans The Boers states (1900) de M. Keane

« De leur langage on sait seulement qu’il est complètement distinct de celui des Bushmen et des Bantous. Ils n’ont ni art ni industrie d’aucun genre, ni même aucune arme, sauf celles qu’ils obtiennent en échange de plumes d’autruches, de pelleteries ou d’ivoire. Ils ont cependant atteint cet état de civilisation où l’homme sait faire usage du feu, et ils peuvent cuire les rebuts que leur jettent les Boers en échange de leur aide pour écorcher le gibier pris. Il est impossible de dire s’ils ont quelque idée religieuse, toutes leurs relations avec les populations voisines, se bornant à quelques échanges, réalisés à l’aide de mimique, personne ne sachant bien leur langue. On parle bien d’un chef des Vaalpens, mais cet « induna » comme l’appellent les Zoulous, préside tout simplement de petits groupes de 30 à 50 familles qui ne forment pas des tribus au sens propre ; ses fonctions ne sont que domestiques, sont acquises non par hérédité mais par sa valeur personnelle, c’est-à-dire par sa force physique. Les Vaalpens doivent être regardés comme les véritables aborigènes de l’Afrique du Sud » (Yves Guyot, « Les Vaalpens », in. Bulletins de la Société d’anthropologie de Paris, V° Série. Tome 2, 1901. pp. 411-414).

Cette enquête de longue haleine sur le petit peuple d’Afrique touche à sa fin, mais nous pouvons légitimement nous poser la question suivante : qu’en est-il du sort des nains achondroplases ? Comment sont-ils traités sur le territoire africain ? A l’exemple des Cours européennes de la Renaissance, tel l’Espagne, les nains se retrouveront dans l’entourage royal afin de valoriser la puissance royale de la Cour du Bénin.

Statuettes représentant des nains de la Cour du Bénin (XVIIIe siècle)

Loin d’être valorisés ou bien considérés, les nains sont actuellement marginalisés par la société africaine. Les sobriquets et qualificatifs en tous genres ne manquent pas pour désigner les personnes atteintes par ce problème génétique. D’ailleurs, l’une des appellations péjoratives les plus utilisées à leur encontre est le terme « pygmée », ajoutant à la confusion entre nanisme adaptatif (communauté pygmée) et nanisme pathologique (nain achondroplases).

Nains cloitrés dans leur maison au Bénin (Courtoisie Afrizap, 2016)

Lorsqu’il survit à l’étape scolaire, source de quolibets en tout genre, le nain doit affronter la dure réalité du marché de l’emploi où il apprend à ses dépens, qu’il n’y a déjà pas assez de place pour « tous les autres » et qu’il doit prendre son mal en patience ou accepter parfois les tâches les plus basses, souvent bien en dessous de ses compétences et effectuées dans des conditions plutôt misérables. « Au-delà de 20 heures, je ne sors plus parce que je crains qu’on ne me charcute pour me prendre mes organes », confie un nain de Porto-Novo. Triste état de fait, les nains sont aussi la proie de marabouts qui s’en servent pour toutes sortes de sacrifices mortels à des fins de richesse et de grandeur.

Heureusement, un renouveau semble possible grâce à la mise en lumière de la condition naine par certaines stars de Nollywood (industrie cinématographique nigériane) tels Osita Iheme ou encore Chinedu Ikedieze. Le frémissement d’un espoir nait pour la condition naine.

Osita Iheme et Chinedu Ikedieze, célèbres acteurs nains de Nollywood

Chers lecteurs, je vous remercie de m’avoir suivi sur les terres africaines à travers cette longue enquête qui clôturera l’année, je vous donne rendez-vous en 2025 pour de nouvelles aventures sur Strange Reality.

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