Vieilles preuves littéraires de l’Homo sapiens almas
Masque tibétain du Musée du Théâtre de poupées de Moscou (1960)
Introduction
Byambin Rinchen, instigateur du dossier de l’almas de Mongolie depuis le début des années cinquante, a drainé dans son sillage de nombreux disciples (Zhugderiin Damdin, Chimmeddorje, Choija, Tsoodol), dont certains, en pleine fièvre intellectuelle du Yéti (1951-1960), ont déterré des représentations picturales et des reliques inestimables concernant l’almas de Mongolie. Ces trouvailles antiques troublantes veulent être éclairées d’un jour nouveau par l’équipe de Strange Reality dans ce sixième article des « Archives oubliées de l’almas ».
. Les représentations antiques d’Emanuel Vlcek
L’effervescence médiatique autour de l’« Abominable Homme-des-neiges », qui débute avec les fameuses empreintes de l’alpiniste Eric Shipton (1951) et se conclut dans le sillage de l’onde de choc du génial Tintin au Tibet (1960) d’Hergé, conduit Emanuel Vlcek, anthropologue réputé et spécialiste de l’homme de Neandertal, à livrer dans la revue scientifique Man (1959) des informations sur le folklore relatif à l’homme sauvage au Tibet et en Mongolie.
« En 1958, l’Académie des sciences de Tchécoslovaquie envoya une expédition en Mongolie qui démarra son premier projet de recherche en coopération avec la Commission scientifique de Mongolie. La première tâche de l’expédition tchéco-mongole était une enquête approfondie sur d’antiques monuments turcs le long de la rivière Orklan, datant de la première moitié du VIIIème siècle.
L’expédition, dirigée par l’archéologue tchécoslovaque Dr L. Jisl et l’archéologue mongol Serojub, inclut sur le versant tchèque un médecin et anthropologue (Emanuel Vlcek), un assistant technique, un surveillant, un photographe, un conducteur et un travailleur administratif et sur le versant mongol les archéologues Perlé et Navan et l’ethnographe Badam-Klatam. Vingt-cinq étudiants de l’Université Choibalsan d’Oulan-Bator travaillèrent sur le lieu de fouilles.
En plus de la tâche principale d’enquêter sur le monument du prince Kiiltegline, l’expédition archéologique tchéco-mongole avait aussi une tâche anthropologique secondaire : établir des conditions viables pour une recherche anthropologique en Mongolie.
Lors de l’étude de livres tibétains dans la bibliothèque d’une ancienne université lamaïste de Gandan, j’ai trouvé un livre écrit par Loisan-Yandon et Tsend-Otcher qui est intitulé en traduction libre « Dictionnaire anatomique pour l’identification de diverses maladies ». C’était un livre tibétain typique, imprimé à partir de gravures sur bois sur de longues bandes étroites de papier. Chaque feuille était imprimée sur les deux cotés et chaque page procédait d’une plaque de bois séparément gravée. Dans le chapitre sur la faune du Tibet et ses régions adjacentes, j’ai trouvé sur la page 24, parmi un groupe de singes, une illustration qui semblerait représenter un homme sauvage.

Cette illustration montre un primate bipède se tenant debout sur un rocher, avec un bras tendu vers le haut. La tête avec le visage et l’ensemble du corps, à l’exception des mains et des pieds, sont couverts de longs poils. L’illustration s’avère réaliste, simplement légèrement stylisée dans le style propre à l’art lamaïste. Des légendes dans trois langues semblent toutes signifiées « homme-animal » : Samdja (Tibétain), Bitchun (Chinois) et Kumclin Gorugssu (Mongol). Le livre a été publié par un éditeur de Pékin à la fin du XVIIIème siècle.
Lors d’une étude littéraire dans la bibliothèque de la commission scientifique de Mongolie, j’ai trouvé une édition plus récente du livre imprimée à Oulan-Bator et écrite par Jambaldoye. Une illustration du primate au-dessus, accompagné de singes, apparaît à nouveau dans ce livre dans la partie consacrée à l’histoire naturelle tibétaine.

Un « khun-goroos », d’après le livre de médecine tibétain Omonn-Tombo

La même figure animale, replacée dans son contexte; D’après le livre de médecine tibétain Omonn-Tombo
Les noms trilingues donnent cette fois-ci pour cette créature l’appellation d’« homme sauvage » : Sodraslin en tibétain, Peeyi en chinois et Zerleg Klson en mongol. L’illustration de l’homme sauvage, d’un point de vue thématique, est absolument identique à son homologue de l’édition de Pékin 100 ans auparavant, bien qu’elle soit effectuée d’une façon moins stylisée et donc plus crédible. A nouveau, la position dressée de la silhouette sur le rocher est identique, même concernant le bras levé vers le haut et les genoux légèrement pliés. La tête est couverte de cheveux et le visage arbore une barbe complète. Le reste du corps, excepté les mains et les pieds, arbore une courte fourrure qui ne dissimule pas entièrement les proportions du corps, telle que la configuration des muscles thoraciques.
A gauche de l’illustration, un texte tibétain révèle en traduction libre : « l’homme sauvage vit dans les montagnes, son origine est proche de celle de l’ours, son corps ressemble à celui d’un homme et il a une force énorme. Sa viande peut être mangée pour traiter des maladies mentales et sa bile soigne la jaunisse ».
Les deux illustrations de l’homme sauvage documentent d’une façon remarquable l’existence de cette créature connue pendant au moins deux siècles par les autochtones du Tibet et les moines qui avaient l’habitude de le rencontrer du Tibet à l’actuelle Mongolie et l’ont inclus en conséquence dans une sorte de manuel standard de l’histoire naturelle du Tibet appliquée à la médecine bouddhiste. Les mongols eux-mêmes n’avaient plus connaissances de cette illustration, si bien que notre étude a été la première à révéler ces documents intéressants de l’antique connaissance des indigènes et des moines de l’Asie centrale sur cet énigmatique et obscur homme sauvage.
L’authenticité de ces illustrations de l’homme sauvage est soutenue par le fait que parmi des dizaines d’illustrations d’animaux de classes diverses (reptiles, amphibiens, oiseaux, mammifères, etc.), il n’existe pas un seul cas d’animal fantastique ou mythologique dans ce livre de médecine tibétain, tel que ceux apparaissant dans les livres médiévaux européens (dragons, monstres aquatiques, démons, etc). Les créatures mentionnées ici sont en réalité des animaux vivants et observés dans la nature.
Un détail intéressant qui soutient les caractéristiques écologiques de la créature consiste en le fait de la placer sur un rocher, qui indique l’environnement dans lequel vit l’animal, par contraste par exemple avec l’habitat arboricole des singes montrés sur la droite.
Sur le territoire mongol, la question de cette manifestation de l’homme sauvage, appelé tout à tour almas ou albasty, est en train d’être étudier d’une manière systématique par le professeur Rinchen, qui a déjà amassé un nombre conséquent de témoignages. L’existence de ces sources antiques mérite donc toute notre attention ».
Le masque tibétain d’Uspenski
Battant le fer encore fumant de la mode du Yéti de l’Himalaya (1951-1960), et une année avant le camouflet des faux « scalps » de Yeti (Bernard Heuvelmans, 1961), S.M. Uspenski, académicien de l’Université de Moscou, livre une étude approfondie dans la revue d’Ecologie La Terre et la Vie (Paris, 1960) d’un masque tibétain imposant qui semble représenter l’énigmatique homme sauvage de ces contrées reculées…
« Le problème de l’homme-des-neiges attire depuis plusieurs années une attention bien méritée, mais malgré le grand nombre d’efforts faits pour l’éclaircir, il est encore loin d’être résolu. Il reste toutefois bien probable que cet anthropoïde énigmatique existe ou existait encore à une date assez proche dans la Haute Asie Centrale et l’Himalaya.
Dans les assertions des témoins, il est à noter que l’on trouve toujours la mention de caractéristiques remarquablement coïncidentes, voire identiques : l’homme-des-neiges serait un animal ayant à peu près les dimensions de l’homme, ou un peu plus. Sa tête aurait surtout un occiput haut et conique, un front bas, des arcades sourcilières très développées, ainsi que des arcs zygomatiques apparents ; sa mâchoire inférieure serait massive et sans menton accentué, ses yeux petits, sa bouche grande avec des lèvres peu distinctes, ses canines de fortes dimensions. D’après d’autres sources, comme par exemple la communication du Professeur Vitaly Khaklov, publiée dans lnformazyonnye materialy o snejnom Tchéloweke, fasc. 4, 1959, le nez de l’homme-des-neiges peut être caractérisé comme très court et plat.
Quant aux figurations réalistes de cet être énigmatique, elles manquent, bien qu’il en existât des images conventionnelles en assez grand nombre, dans plusieurs traités de médecine tibétaine par exemple, comme le mentionne l’article précédent du Professeur G. Dementiev, et également E. Vlcek dans son article « Old literary evidences for the existence of Snow man in Tibet and Mongolia », publié dans Man, volume LIX, 1959.
Il nous paraît donc intéressant d’essayer de reconstituer l’aspect plus ou moins réel de l’homme-des-neiges d’après un masque rituel bouddhiste que nous avons découvert tout récemment au Musée du Théâtre de poupées à Moscou. Ce masque provient d’une lamaserie et fut envoyé de Mongolie à destination de ce Musée en 1940. On remarquera que la ressemblance de ce masque avec les descriptions plus ou moins hypothétiques de la tête de l’homme-des-neiges est vraiment frappante.

Le masque est constitué de papier mâché et recouvert extérieurement d’une étoffe de percale de provenance probablement russe. Le masque est colorié en jaune clair (ou ivoire), avec quelques stries d’un brun jaunâtre (ocre) sur les tempes et les joues. L’épaisseur du papier mâché est de 5 à 6 mm L’intérieur du masque est recouvert de colle noire. On trouve enfin à l’intérieur du masque une bande de papier de 20 X 5 cm environ, portant une inscription sanscrite xylographiée.

Mr. G. N. Rohrig, expert bien connu de l’histoire, de la culture, de la religion et des langues des peuples de l’Asie centrale, a bien voulu faire une expertise du masque en question à notre demande. D’après lui, il s’agit certainement d’un objet rituel tibétain. L’inscription ci-après « Anuttra-yoga-tantra » indique que le masque devait servir à des cérémonies religieuses des disciples du système bouddhiste « Anuttrayoga-tantra », quatrième et suprême grade de la symbolique bouddhiste. L’authenticité de l’objet paraît incontestable et son origine probable est tibétaine. D’après la technique employée pour l’inscription et d’après les caractères de l’étoffe, le masque remonterait au XVIIIème siècle ou bien à la première moitié du XIXème siècle.
Si les masques bouddhistes rituels sont généralement conventionnels, il en existe parfois qui sont franchement réalistes. Et celui que nous décrivons ici, malgré quelques inexactitudes anatomiques, nous semble appartenir à cette dernière catégorie. C’est au fond l’image d’un crâne ou plutôt d’une tête desséchée où l’on peut reconnaître le nez et les parties molles.

Il ne serait donc pas invraisemblable que l’original qui a servi à modeler ce masque rarissime ait été la tête momifiée d’un homme-des-neiges. Pour généraliser l’image, ou pour d’autres raisons, l’artisan l’aurait transformée en tête osseuse et aurait souligné la dimension des canines en les plaçant toutes quatre sur la mâchoire supérieure; il n’en aurait pas moins laissé apparaître sur le masque les parties molles conservées (peau, nez, etc.). Il nous semble peu probable, en tous cas, qu’il s’agisse simplement d’un objet de fantaisie et de pur folklore ».
Conclusion
L’équipe de Strange Reality, par cette nouvelle contribution au dossier de l’almas qui met en lumière deux artefacts importants (les représentations picturales de Vlcek et le masque tibétain d’Uspenski), se permet de conclure sur la qualité des travaux de Byambin Rinchen en Mongolie, dont l’influence a été majeure dans le monde oriental pour un nombre croissant de disciples, des chercheurs de terrain (Damdin, Choidja, Ravdjir, Maurette), aux académiciens (Vlcek, Uspenski, Lagrange, Halbertsma), en passant par avec ses pairs crytpozoologiques (Boris Porchnev, Bernard Heuvelmans, Ivan T. Sanderson) avec qui il entretenait une relation plus qu’houleuse.
Les vues anthropologiques de Byambin Rinchen sur l’Homo sapiens almas, bien que cette terminologie scientifique ne soit pas validée, permettent de tisser des passerelles pertinentes avec des fouilles archéologiques et paléoanthropologiques actuelles, que ce soit la mise à jour du site de Salkhit (Yves Coppens, 2006) ou bien la découverte dans l’Altaï de l’Homo denisovensis (Mikhaïl Chounkov, 2008) que nous étayerons dans un prochain article. Chers lecteurs, l’almas de Mongolie n’a pas fini de nous surprendre !