
Dans ce lien fascinant entre l’animal et les outils d’inscription du réel (dessin, photographie, cinéma), une science encore jeune, prenant racine au cours des années cinquante, s’est intéressée aux animaux dont l’identité n’est pas clairement établie : la cryptozoologie. Pour reprendre le terme forgé dans les années 1950 par son père fondateur Bernard Heuvelmans, la cryptozoologie est « la science des animaux cachés (crypto/zoon/logos) » (Bernard Heuvelmans, Le grand serpent de mer : le problème zoologique et sa solution, Editions Plon, 1965).
Ce terme, dont la priorité revient au naturaliste Ivan T. Sanderson, a été d’abord clarifié par Bernard Heuvelmans en 1965 dans la première édition du Grand serpent-de-mer : le problème zoologique et sa solution, avant qu’une définition plus précise n’advienne en 1988 dans une seconde édition revue et augmentée de l’ouvrage : « La cryptozoologie est l’étude scientifique des animaux cachés, c’est-à-dire des formes animales encore inconnues pour lesquelles sont seulement disponibles des preuves testimoniales ou circonstancielles, ou des preuves matérielles considérées comme insuffisantes par d’aucuns ». Ainsi, pour résumer Bernard Heuvelmans, l’étude des animaux inconnus peut être établie sur la base de preuves testimoniales (témoignages oculaires), circonstancielles (indices physiques) ou encore autoscopiques (que chacun peut voir), cette dernière notion, qui correspond peu ou prou aux preuves matérielles, étant argumentée plus en détail dans l’introduction de « L’homme congelé du Minnesota » (in. L’homme de Néanderthal est toujours vivant, Editions Plon, 1974).

Dans le cadre de la cryptozoologie, les indices visuels et sonores (films, photographies, enregistrements audio) se réduisent à des pièces à conviction, c’est-à-dire à des preuves fondées sur des « empreintes physiques réelles ». Les éléments cinématographiques ne sont donc pas étudiés en soi, pour leurs valeurs esthétiques intrinsèques, mais comme étant des indices circonstanciels concomitants à l’animal inconnu. Un film, une bande vidéo, une photographie, une sculpture, un enregistrement sonore seront uniquement considérés par la cryptozoologie comme des « preuves corollaires », c’est-à-dire des preuves mineures, alors que les os, les poils, les empreintes et de surcroît les analyses ADN seront considérées comme des « preuves autoscopiques », c’est-à-dire des preuves majeures. Ainsi, chers lecteurs de Strange Reality, armé de toutes ces précautions théoriques de rigueur, nous pouvons nous embarquer dans une longue série sur l’homme sauvage à l’épreuve de la science, en commençant par retracer l’histoire des preuves matérielles d’une star de la cryptozoologie, le bigfoot, à la lumière conjointe de l’archéologie et de l’adn.
Des indiens primitifs ?

En cueillant des airelles sauvages en Colombie-Britannique avec Léon Brenig, physicien belge et chef de l’expédition Sasquatch 2010, ce dernier me confie que notre hôte Debbie Kennedy, qui est une métis amérindienne, pense que les bigfoots sont une tribu sauvage et reculée d’amérindiens. Cette piste, en apparence incongrue, pourrait-elle être explorée plus en avant ? Pionnier en la matière, Ivan T. Sanderson (Homme-des-neiges et Homme-des-bois, Editions Plon, 1961) relève plusieurs occurrences qui font penser que les sasquatchs pourraient être des indiens primitifs : « le cas de Jacko est considéré comme celui d’un Indien fou » (p.41) ; « un collègue à Sanderson se livrait à la recherche des hommes sauvages quand un vieux sage indien lui lâche innocemment : – Oh ! Ne venez pas me dire que les blancs sont enfin tombés là-dessus ! » (pp. 47-48) ; « les indiens du Nord-Ouest de l’Amérique affirment avec une grande conviction que les Sasquatchs sont des hommes extrêmement primitifs, à tel point qu’ils ne veulent pas s’associer à eux d’aucune façon ; ils préfèrent éviter de parler de leur existence et, surtout, des possibilités d’accouplement avec eux. Ils affirment que les « Indiens sauvages » sont groupés en deux tribus dont la rivalité impitoyable maintient l’effectif assez bas et les empêche de constituer une menace sérieuse » (p. 97).
A la suite des travaux précurseurs d’Ivan T. Sanderson, le français Jean-Paul Debenat (Sasquatch et le mystère des Hommes sauvages, Editions Le temps présent, 2007) reprend le dossier du bigfoot pour une vaste enquête sur la Sunshine Coast où son flair l’amène à questionner les locaux qui définissent les sasquatchs comme « frappeurs d’arbres » (tree strikers), « siffleurs » (whistlers) ou bien encore « indiens des branchages » (stick indians). Par ailleurs, la Virginie sauvage, en plein cœur des Appalaches (vallée de Shenandoah), est censée abriter un clan féral toujours actif en 2021 : « le peuple des arbres ». Afin d’y voir plus clair, faisons le tour de la question, car si le bigfoot est assimilable à un indien primitif, alors il devrait détenir dans son patrimoine des gènes Homo sapiens.

. La caverne de Lovelock
La caverne de Lovelock est un site archéologique nord-américain anciennement connu sous le nom de grotte Sunset Guano. Elle est située dans l’État du Nevada, à environ 130 kilomètres au nord-est de Reno. En 1911, une exploitation de guano y est installée, et c’est à cette occasion que des mineurs y découvrent des restes archéologiques, et préviennent les autorités en 1924.

La grotte de Lovelock a été utilisée dès 2580 ans avant notre ère sans être intensément habitée jusqu’à environ 1000 avant notre ère. Elle a été occupée pendant plus de 4 000 ans. Les premières découvertes d’artefacts et les fouilles, au début du XXème siècle, n’ont pas été très bien exécutées, ce qui a entraîné une perte d’informations archéologiques. Cependant, les enquêtes plus récentes ont été plus minutieuses. Une richesse de connaissances concernant la vie dans le Grand Bassin provient de ce site important car de nombreux artefacts uniques y ont été récupérés avec succès.


Quelques artefacts (appeaux de canards, sandales) récoltés à Lovelock
Selon l’histoire orale des Paiutes, peuple amérindien du Nevada, les dépôts osseux de la grotte de Lovelock seraient ceux du peuple Si-Te-Cah, qui signifie littéralement « mangeur de Schoenoplectus lacustris », une plante lacustre fibreuse. Les Si-Te-Cah étaient un groupe de géants cannibales aux cheveux roux. Les Si-Te-Cah et les Paiutes étaient en guerre et après une longue lutte, une coalition de tribus a piégé les Si-Te-Cah survivants dans la grotte de Lovelock. Quand ils ont refusé de sortir, les indiens Paiutes ont entassé des buissons devant l’embouchure de la grotte et y ont mis le feu. Les Si-Te-Cah ont été asphyxiés et ont péri dans les flammes. Les indiens gardaient jalousement le secret de ces lieux de sépultures où ils ont fait périr le Peuple Sauvage, assez nombreux en Colombie-Britannique, notamment sur l’île de Vancouver.


Sarah Winnemucca Hopkins, fille du chef Paiute Winnemucca, a évoqué la tradition orale sur les Si-Te-Cahs : « Après que mon peuple les ait tués tous, les gens autour de nous nous ont appelés Say-do-carah. Ça veut dire conquérant ; ça signifie aussi « ennemi ». Mon peuple affirme que la tribu que nous avons exterminée avait des cheveux roux. J’ai quelques-uns de leurs cheveux, qui ont été transmis de père en fils. J’ai une robe qui a été dans notre famille pendant un grand nombre d’années, ornée de poils roussâtres. Je vais la porter un certain temps lors de ma conférence. On la considère comme une robe de deuil, et personne en dehors de ma famille n’a une telle robe » (Sarah Winnemucca Hopkins, Life among the Piutes : Their wrongs and Claims, 1994).
Dès 1911, un rapport écrit par James H. Hart, le premier des mineurs qui a creusé la grotte à la recherche de guano, rappelle que dans la partie centrale nord de la grotte, à 4 pieds [1m22] de profondeur environ, « se trouvait le corps d’un homme à l’aspect frappant, de 6 pieds 6 pouces [1m98] de haut. Son corps était momifié et ses cheveux d’un roux distinct ».

Nous nous devons de signaler un bémol dans ce passionnant dossier des ossements de la caverne de Lovelock : Adrienne Mayor (Fossil Legends of the First Americans, 2007) propose diverses explications sur les légendes identifiant les Si-Te-Cah comme des géants roux. Les momies et squelettes déterrés seraient de taille normale, mais plusieurs sites archéologiques proches contiennent des os de mammouths et d’ours de caverne, conduisant probablement à cette confusion. Elle explique également que les pigments colorant les cheveux peuvent changer de couleur après la mort, sous l’influence de plusieurs facteurs comme la température, la composition chimique des sols, etc.
Une idée intéressante surgit de cette histoire, celle de la cohabitation entre un peuple plus civilisé (Paiutes) et un peuple plus sauvage (Si-Te-Cah), entre un peuple moderne et un peuple archaïque, dont nous avons de nombreux invariants à travers les lieux et les âges : les mélanésiens et l’ebu gogo (Florès) ; les Sri-lankais et les nittaewos (Ceylan) ; les Belges et les nutons (Ardennes). Les indiens Paiutes, qui ont asphyxié les Si-Te-Cahs peuvent-ils être considérés comme des indiens primitifs ? Sur le terrain de la construction artificielle, les huttes des Indiens Paiutes, que nous retrouvons à l’identique chez les tribus Digger, Maidu et Miwok, partagent certaines similitudes avec les structures en bois censément agencées par les bigfoots. Je me permets de vous faire part d’un petit florilège d’illustrations comparant les huttes Paiutes aux structures (supposément) bigfoots :

Huttes Paiutes vs Constructions bigfoots
Les bigfoots sont-ils assimilables au Si-Te-Cahs ? Sont-ils cette tribu indienne plus primitive et farouche décrite par les Paiutes ? La proximité avec Homo sapiens pourrait-elle être plus importante que le laissait croire nos premiers soupçons ?
Kathy Moskowitz (Bigfoot in Native culture, Editions Hancock House, 2008) a recensé tout un fond iconographique relatif aux tribus indiennes en proie à de grands humanoïdes sauvages. Nous nous permettons d’en tirer un petit florilège :


Les dépôts osseux de Mitchel Townsend


Mitchel Townsend, professeur à Centralia College et le Mont Saint-Helens, site du dépôt osseux (2015)
Mitchel Townsend, professeur du programme de formation continue au collège de Centralia, découvre en 2015 avec son groupe d’étudiants des tas d’os mystérieux dans la région du mont St-Helens (Bigfoot is Solved, Hybrid Hominin : Scientifically proving the existance of Bigfoot with Forensic Dental Impression Research, Editions BA MA, 2017).

Les os sont ceux de proies qu’une créature avait tuées et dévorées. En général, les animaux sauvages n’empilent pas les os en tas. Habituellement, ils les dispersent de manière complétement anarchique. L’empilement des os ne peut être fait que par un hominidé. Mais l’information décisive est qu’ils présentent des marques très nettes de grignotage.




De surcroît, le grignoteur a laissé des impressions triangulaires comme le font les hominidés, pas des marques rondes que laissent les grands singes. Mitchel Townsend a fait examiner les marques de grignotage par un chirurgien dentaire de la médecine légale et la conclusion était que les os avaient été rongés par une sorte d’hominidé. Non seulement cela, mais il semblait être humain aussi du fait de la façon particulière dont les os sont grignotés.
En soumettant le dossier à une contre-expertise proposée par l’ostéologue Pierre Konrad Kasso (conversation électronique personnelle du 7 avril 2016), je me permets de vous livrer son verdict totalement détaché de la sphère cryptozoologique : « Une amie m’a rappelé il y a quelques jours ce dossier que j’avais mis de côté. Les morsures sont significatives d’un hominidé à n’en point douter (certaines font plutôt rongeur), surtout au vus des exemples cités dans l’article (Aaron Mills, Gerald Mills, Mitchel Townsend, « Using Biotic Taphonomy Signature Analysis », 2015). L’article est très intéressant en lui-même. En revanche, la formation des tas est très étrange et fait penser à un canular. Il y a un petit gout de mise en scène qui ne colle pas vraiment avec la réalité du reste de l’article et de ce que pourrait faire un homme sauvage, mais je ne suis pas un spécialiste du genre. En revanche, on a découvert récemment que certains primates supérieurs (chimpanzés) faisaient des tas de cailloux qui ressemblaient un peu à des cairns » (Jean-Luc Goudet, « Un rite mystérieux chez les chimpanzés », site internet Planète, 30 avril 2017).

Après le premier site découvert par le professeur, ses étudiants ont trouvé deux autres tas d’os similaires sur le versant sud du mont St-Helens avec exactement les mêmes caractéristiques. Sur les deux nouveaux sites, l’équipe a découvert d’énormes empreintes humaines de 16 pouces [40,6cm]. Les calculs fondés sur les empreintes et l’enjambée ont indiqué que l’hominidé devait faire 8 pieds 8 pouces [2m64] de haut. Les empreintes étaient carrées et plus larges que des empreintes humaines et étaient dépourvues de voûte plantaire.
« Si vous rassemblez le tout, vous avez une créature de 8 pieds 8 pouces [2m64] de haut qui tue de mains nues des animaux à des endroits différents du mont St-Helens, pour les mastiquer, peau, os et tout littéralement et les recracher entre ses jambes » a déclaré Mitchel Townsend.
Les marques de dent étaient des incisives et des canines et 90% d’entre elles se situaient en dehors de la fourchette humaine comme elles étaient trop grosses pour provenir de tout être humain possible. Les os montraient également des signes d’épluchage, chose qui n’est entreprise que par des hominidés. Les dents présentaient une structure étrange à double voûte qui ressemblait étroitement à des dents de néanderthalien. « Ma théorie est que ce n’est pas un singe anthropoïde, c’est un hybride qui pendant les 80000 dernières années s’est métissé avec des indiens » a assuré Mitchel Townsend. Dans une conversation électronique récente ( 14 ans !) (09 Octobre 2007), Mitchel Townsend m’a confessé que cet être vivant était un hominoïde d’un haut degré d’évolution qui avait très certainement un ancêtre commun avec l’Homo sapiens moderne et détenait une spécialisation dentaire qui s’apparentait à celle des néanderthaliens.

Alors, ces indices ostéologiques verseraient-ils vers un hybride entre un Homo sapiens archaïque et un Homo sapiens amérindien ? Voyons maintenant ce que peuvent nous apprendre une autre méthode d’analyse
Les analyses ADN
Les analyses génétiques, c’est le nouveau graal de la science moderne, et donc le nouvel espoir d’obtenir une identification positive pour un primate inconnu nord américain.
Dans ce domaine, il est impossible de passer sous silence l ‘étude nommée Novel North America hominins, publiée en novembre 2012. Un travail si controversée, qu’aujourd’hui, il est complètement passé sous silence.
Cette étude affirme prouver l ‘existence d’une espèce humaine inconnue en Amérique du nord grâce à l ‘analyse génétique poussée de matériel biologique : poils bien entendu, mais aussi ongle, peau, salive, fèces… plus d’une centaine d’échantillons récoltés dans 34 sites différents des USA.


Son auteur principale : Melba Ketchum, une scientifique au caractère bien trempé, une vétérinaire qui a développé une expertise en méthodes d’identification génétique des espèces animales. A travers des analyse morphologiques ( au microscope), puis ensuite génétiques, elle a établit que ce que l ‘on appelle bigfoot, ou sasquatch était le fruit d’une hybridation entre un primate inconnu et l’homme, un métissage répété survenu il y a environ 15 000 ans. L’annonce de la « découverte» scientifique de l ‘homme sauvage américain fit grand bruit à l ‘époque.

Plus que la publication de ce rapport, édité à compte d’auteur, ce sont les conclusions qui défrayèrent la chronique.
Pour les scientifiques sceptiques, ce fut une hérésie, pour les cyptozoologues, une nouvelle occasions ratée, une déception immense, doublée d’une amertume devant ce qui ressemblait à un gâchis. Pour résumer, autant que possible ce qui fit couler beaucoup d’encre : les analyses conduites par Melba Ketchum étaient très poussées, et utilisaient une technologie de pointe pour l ‘époque, dénommée Illumina. Trois génomes nucléaires « suspects» avaient été analysés, et tous trois avaient présentés selon les conclusions du rapport, les mêmes caractéristiques.

Il faut savoir, qu’il y a deux sortes de matériel génétique dans nos cellules, l’adn mitochondrial, et l ‘adn nucléaire, localisé dans le noyau de chaque cellule, cet adn est celui des analyses médicales et des identifications judiciaires, il est transmis à moitié par le père, et à moitié par la mère, et il contient tout notre patrimoine génétique. L’autre type d’adn, moins complet, est appelé mitochondrial qui provient uniquement de la mère et qui est utilisé pour les recherches généalogiques. L‘équipe de Melba Ketchum, a travaillé sur les deux types d’adn à la fois ( c’est la seule étude qui est allée aussi loin), et affirme que ces deux types de résultats étaient concordants. Ils montreraient noir sur blanc qu’il y existe une espèce de primate inconnu et donnent aussi des indications précises sur son origine.
Malheureusement, malgré toutes les précautions prises pour garantir la fiabilité de l’étude, très rapidement elle fut invalidée, autant par la communauté scientifique que par la communauté cryptozoologique. L’une des raisons est que des éléments ont surgi mettant en cause certains échantillons emblématiques de l ‘étude, notamment l ‘échantillon dénommé 26, ou « steak de bigfoot».

Il y eut aussi des videos communiquées censée montrer notamment un des bigfoots dont l’adn avait été récoltée, qui provoquèrent un scepticisme général.


Images du spécimen surnommé Mathilda représentant l ‘échantillon 37 de l ‘étude
Certes il y eu de timides soutiens en faveur de l ‘étude ketchum, mais les généticiens, dans leur grande majorité, exprimèrent leurs griefs : L’analyse génétique présentait des résultats beaucoup trop confus pour qu’on en tire une quelconque conclusion, pire, la méthode employée laissait de côté tous les résultats qui montrait que ces échantillons provenaient d’animaux bien connus, notamment l ‘ours pour l ‘échantillon 26, ou encore l’opossum dans certains cas. Aujourd’hui, il y a cet ouvrage qui entend démonter scientifiquement l ‘étude ketchum, mais est-ce bien nécessaire, car il semble que ce rapport soit tombé dans l ‘oubli. Peut-être à tort, car le travail imposant réalisé alors par cette équipe spécialisée en médecine légale comporte sans doute des données intéressantes.
Mais voilà, l’étude Ketchum, en plus des défauts déjà évoqués, présente un travers insurmontable, comme toutes les études génétiques sur le bigfoot : elle ne permettront jamais de découvrir, de prouver l ‘existence du bigfoot ou d’un autre homme sauvage.
Pourquoi ? Parce qu’on ne peut pas prétendre identifier génétiquement une espèce animale si on ne possède pas, tout d’abord, un spécimen de référence. Il n ‘y a rien avec quoi comparer un échantillon suspect, ou inconnu. Un échantillon biologique non identifié ne signifie pas un échantillon de bigfoot, il restera un échantillon inconnu jusqu’à que du matériel génétique puisse être prélevé sur un corps de bigfoot, de manière vérifiable, et répétée.
Cela ne veut pas dire qu’il faut baisser les bras, cesser de récolter des échantillons, mais il faut avoir en tête que cela – en théorie- ne suffira pas pour affirmer l ‘existence de cette espèce.
D’ailleurs, les études génétiques sur les hommes sauvage se succèdent, et apportent invariablement de la frustration. Comme l ‘étude du défunt Pr Sykes de 2014 sur le bigfoot et le yéti.

Trente-six des 57 échantillons qu’il a collecté ont été sélectionnés pour des tests ADN, et l’ADN mitochondrial a été extrait de 30 des échantillons. (L’analyse de l ‘adn nucléaire est plus couteuse). Il est apparu sans surprise que les échantillons provenaient d’une variété d’animaux bien connus (ours, vaches, chevaux, etc.).


La conclusion : le bigfoot n ‘existe pas, puisque aucun échantillon de cette étude ne peut lui être attribué. Merci la génétique, au revoir la recherche sur les hommes sauvages…

Ces analyses génétiques, en hominologie, forment un cercle vicieux sans fin qui piège toute tentative de prouver que ce que voient, entendent les témoins, que ce qui laisse des empreintes, ce qui apparaît dans ces vidéos floues et tremblantes existe vraiment.
Ainsi, comment ne pas s’étonner quand même un résultat intéressant passe complètement inaperçu aux yeux de la communauté scientifique. En mars 2021, l’équipe de l’émission Expedition Bigfoot, a affirmé avoir mis la main sur un résultat très intriguant.

Avec ici l ‘emploi de la nouvelle martingale des recherches cryptozoologiques : l’adn environnementale, qui consiste a prèlever une partie de l’environnement, de la terre du sol, de l ‘eau d’un lac, par exemple, afin de détecter , et d’identifier toutes les espèces qui ont pu un jour passer par là, et ont laissé des traces infimes de leur présence à travers du matériel génétique. La suite, nous pouvons la lire en français dans cet article de Paris Match, ou en anglais ici .
La généticienne Miroslava Munguia Ramos, de l’université d’UCLA : «Ce que j’ai trouvé est très intéressant. Oui, nous avons détecté de l’ADN humain dans ces zones, mais nous voyons aussi l’ADN d’un primate différent, un ADN proche du chimpanzé commun qui n’est pas censé habiter dans les Appalaches… C’est un véritable casse-tête.»
Plus intrigant encore, «les échantillons ont été recueillis sous une structure constituée de grosses branches dont la construction a nécessité à la fois une grande force physique, une intention et une capacité à planifier» explique la primatologue Mireya Mayor.
De l ‘adn proche du chimpanzé, dans un endroit comme les Appalaches, point chaud bien connu des observations de bigfoot, et d’autres créatures mystérieuses ? C’est troublant, excitant, mais hélas, cela ne représente aucunement une preuve admise par la communauté scientifique, suffisante pour déclencher une étude officielle transparente et massive.
Quand même l ‘adn devient, au contact des hommes sauvages, un folklore.

Conclusion
Bien que bigfoot signifie en anglais « grand pied », nous avons pris le parti d’éluder la question des empreintes humanoïdes, actuelles et paléontologiques, qui mériterait à elle seule une prochaine synthèse. Pour tenter d’en avoir un bref aperçu, après une période pionnière oscillant entre canular (Jerry Crew, Bluff Creek, 1958) et recherche plus sérieuse (Grover Krantz, dès 1963), le Dr Jeff Meldrum (Sasquatch : Legend Meets Science, 2006) rassemble une série impressionnante de moulages d’empreintes, à l’égal de son collègue canadien John Bindernagel (The Discovery of the Sasquatch, 2010), et ambitionne de classer scientifiquement la créature en la baptisant du terme binominal Anthropoides ameriborealis (2008). Le chercheur indépendant Yvon Leclerc, grand spécialiste de l’ichnologie, dans un entretien qu’il nous a accordé, explique son protocole d’analyse d’empreintes très poussé qui permet de définir pour toute trace humanoïde son authenticité et sa datation. Cette méthode, très rigoureuse, devrait être appliquée plus systématiquement aux prochaines études hominologiques sur le terrain.
Cher lecteur de Strange Reality, ce premier article sur le bigfoot à l’épreuve de la science permet de rapprocher cette énigmatique créature de l’Homo sapiens, hypothèse bien éloignée des premières intuitions des pionniers sur la question qui le rapprochait du Gigantopithecus blacki, l’esprit sans doute embrumé par l’excellent travail de Bernard Heuvelmans sur le dossier du Yéti de l’Himalaya (Dinanthropoides nivalis, 1958). Ainsi, une partie non négligeable d’Homo sapiens sommeillerait dans ce que nous nommons le bigfoot : d’une part, les Paiutes estimaient que les Si-Te-Cahs n’étaient qu’un clan féral (Sarah Winnemucca, 1994) ; d’autre part, les chercheurs Melba Ketchum (2013) et Mitchel Townsend (2015) analysent (par l’adn et l’ostéologie) l’éventualité que le bigfoot partage des gènes d’Homo sapiens et d’un autre hominidé restant à déterminer dans le répertoire fossile. Restez attentifs, chers lecteurs, d’autres articles suivront sur le mythe de l’homme sauvage mis à l’épreuve de la science !
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