Pygmées du Mexique

Antique statuette aztèque représentant un chaneque
 (Courtoisie Ramón Elías, Musée mythologique du Paraguay)

Chers lecteurs de Strange Reality, à la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique, le vaste désert de Sonora abrite une petite race d’êtres mystérieux appelés Surem, que certains pensent être les ancêtres des Indiens Yaqui du Mexique.

Ces personnes, mesurant environ un mètre de haut, sont considérées comme des nomades qui ne tombent pas malades, ne connaissent pas la mort et sont capables de communiquer non seulement avec les animaux mais aussi avec les plantes. « Les petites gens se déplaçaient », disent les écrivains Carol et Dinah Mack, « et emportaient avec eux un lac, enroulé comme un tapis, et chaque fois qu’ils avaient besoin d’eau ou de poisson, ils déroulaient le lac et y pêchaient ». Tous les Surem sont des païens sauvages. Si un Yaqui est perdu dans la montagne, ces petites gens l’aident en lui apportant à manger et du feu, puis ils s’en vont. Certains disent que les Surem sont très riches et qu’ils possèdent beaucoup de bétail sous les collines.

Les amérindiens Yaquis : des masques rituels aux récits sur un peuple nain

     La légende raconte que les Surem vivent encore aujourd’hui dans le désert de Sonora, mais dans un univers parallèle où le monde existe toujours à l’état sauvage. Seules quelques personnes ont aimé ce que prédisait le bâton et celles-ci ont attendu. Ces hommes sont les Yaquis. Ils sont devenus plus grands que le Surem qui était parti loin. Les Surem étaient des gens petits, mais très forts. Ils vivent toujours dans le les collines et la mer. Ils favorisent l’homme et l’aident quand ils le peuvent. Certains, dans la mer, sont comme des sirènes et vivent sur des îles. D’autres sont des baleines qui s’approchent des bateaux pour les prévenir lorsqu’il est en danger.

     Chers lecteurs de Strange Reality, c’est sur cette note quelque peu magique que nous nous aventurerons sur les terres mexicaines afin d’explorer cet énigmatique petit peuple mexicain.

Les chaneques

     D’abord, au contact de la civilisation olmèque (45000 à 2500 ans B.P), les chaneques sont décrits comme des nains avec des visages d’enfants ou comme des personnes de petite taille, à la peau cuivrée et à la tête énorme. Les chaneques sont aussi nommés par les autochtones les reyes de la tierra, ce qui signifie les « seigneurs de la terre ».

     Les Chaneques sont de petite taille et sont généralement décrits comme nus. Ils vivent dans les forêts, les rivières ou les grottes et sont connectés à la terre et à l’eau. Ils peuvent vivre dans des grottes, des ruisseaux, des montagnes, des fossés, des collines, des rochers, des carrières de pierres, des sources, puits, lacs, lagunes, vieilles ruines ou les bois touffus. Ils aiment chanter, crier et pleurer.

Représentations actuelles du chaneque, petit peuple de la culture olmèque

Le dessin animé La leyenda de los Chaneques (2023) de Marvick Eduardo et Nunez Aguilera

Cette vision maléfique rattachée aux chaneques est toujours perceptible dans la culture pop moderne : ainsi La leyenda de los Chaneques (2023) se présente comme un conte macabre où les nains, en avatars du skull kid de Majora’s Mask (2000), sont les gardiens vigilants des forêts les plus profondes.

Les alux

     Au contact de la civilisation maya (2600 ans av. J.C à 1520), les nains sont appelés aluxob (alux au singulier). Arrivant à hauteur de genoux et portant des habits traditionnels mayas, ils hantaient les jungles profondes du Guatemala et de la péninsule du Yucatán. Une légende raconte que les alux sont les descendants du nain devin d’Uxmal.

     Selon ce récit de la cosmogonie maya, une vieille dame qui avait la réputation d’être une redoutable sorcière habitait près d’Uxmal. Un jour, elle a trouvé un œuf où il est sorti un petit enfant qui, inexplicablement arrêta de grandir : c’était en effet un nain. Ce nain avait la faculté de prédire le futur, il était ainsi appelé « le devin ».

     Un jour, ce nain a découvert un tukul (un instrument de percussion en bois) dans les cendres du foyer et il s’est mis à en jouer. Selon certaines prophéties de l’époque, on savait que lorsque quelqu’un jouerait de cet instrument, toute la région pouvait lui appartenir, ainsi il devint le nouveau monarque de la cité. Le roi d’Uxmal qui avait donc entendu le son du tukul savait que la fin de son règne approchait. Craintif, mais prêt à affronter son destin, le roi fit amener le nain pour le soumettre à de difficiles épreuves dont le jeune devin sortit vainqueur. Puis vint la périlleuse épreuve finale : il s’agissait de rompre une poignée de cocoyoles (un genre de fruits très durs) sur son crâne à l’aide d’une massue de pierre. Le nain, dont la ruse le dota d’une carapace de tortue sur la tête, s’en est sorti sain et sauf tandis que le monarque se fendit le crâne et mourut instantanément. C’est ainsi que commença le règne du nain devin du haut d’une pyramide de 35 mètres qui, selon la légende, fut édifiée en une seule nuit.

La pyramide du nain (site archéologique maya d’Uxmal, Yucatán)

     Ce récit légendaire maya, qui voit l’émergence d’un « nain gouverneur », d’un haut dignitaire pygmée, n’est pas sans rappeler le récit mixtèque sur le Chaneque Mayor, lui aussi un « nain suprême ». Est-ce le même personnage qui aurait gagné en épaisseur à travers le temps et la transmission orale de ce récit ? C’est fort possible, mais la colonisation espagnole ne s’encombrera pas de tant de subtilités et mettra dans le même sac chaneques et alux sous le terme très générique de duendes (lutins en espagnol).

     Tout comme les chaneques, les alux peuvent avoir une facette maléfique et retourner la Nature nourricière contre les humains : les désorientant dans la forêt, les changeant en bêtes sauvages ou bien jetant toutes sortes de calamités sur les champs de maïs. Ainsi, selon la tradition maya, il est nécessaire d’apaiser le courroux des alux par l’entremise de temples où l’on entreposait des vivres pour s’assurer de bonnes récoltes, faisant d’eux des génies protecteurs des foyers à l’égal des dieux lares de l’Antiquité romaine.

Kahtal alux, temple maya des alux

     Les alux, sans doute vénérés (le nain devin d’Uxmal, les temples des alux), sont omniprésents dans l’espace culturel maya et ont été très souvent représentés dans les codex, l’art statuaire et les bas-reliefs de nombreux temples.

Petit florilège des alux dans l’art maya

Farces mexicaines

     Profitant de cette fascination des descendants du peuple maya pour les alux, Andrés Manuel López Obrador, président du Mexique depuis 2017, poste le samedi 25 février 2023 sur twitter un cliché photographique d’un soi-disant alux en se fendant d’un « Tout est mystique ».

Le fameux cliché de l’alux posté par le président mexicain (25 février 2023)

     La photographie est assez obscure dans tous les sens du terme. Est-ce un alux ? La forme humaine accrochée à l ‘arbre est effrayant certes, comme dans un film d’horreur, mais pour autant est-elle authentique ? Le président Obrador a t-il dévoilé imprudemment des informations top-secrètes ? Comme souvent il est difficile de le déterminer, mais la presse mexicaine, elle a son avis sur la question. Il apparait que cette photo a été publiée en 2021 par un groupe de villageois mexicains, alors en pleine chasse…à la sorcière. De mystique passerait-on tout simplement à… mystification ?

     Quelles raisons ont poussé le président mexicain a posté une photographie manipulée ? Le fameux ingénieur qui aurait pris le cliché serait un employé à la construction du train touristique du Yucatán décidé par le président lui-même. Sans doute Andrés Manuel López Obrador voulait-il s’accorder le soutien des descendants autochtones maya en suspendant un temps les travaux du train à la suite de l’apparition d’une divinité alux. Cette manœuvre politique de bas étage lui permet de rafler à peu de frais le soutien des communautés autochtones (20% de la population) afin de mieux préparer sa réélection probable en 2024.

    Cette propension au spectacle et au grotesque atteindra son paroxysme, à l’image du dossier philippin, dans les combats de nains achondroplases. La boxe à Manille laisse alors place au catch à Mexico (lucha libre) qui a depuis quelques années son idole : Microman.

     Le style du spectacle prête à sourire : après des échauffements grotesques qui amusent la foule, Microman est mis en valeur par deux comparses bouffons qui lui donnent la réplique : Chamuel le clown diabolique et Gallito le vaniteux.

De gauche à droite : les catcheurs nains Chamuel, Gallito et Microman (Courtoisie Alfredo Estrella, 2018)

     Microman combat dans la catégorie micro estrellas (8 athlètes de moins d’1m20) créée en 2017 par son mentor, l’ex-catcheur Ultimo Guerrero. Kemonito, le père de Microman, n’avait pas cette chance et devait 20 ans auparavant combattre en costume de singe face à des personnes de grandes tailles dont il ressortait souvent avec des blessures. « Certains sont restés paralysés, d’autres sont morts (…) il y en a un qui s’est suicidé » déplore Catalina Gaspar, 45 ans, militante pour les droits des personnes de petite taille.

Kemonito, père de Microman, était une ancienne star de lucha libre

     Désormais, la nouvelle génération est entraînée comme les autres professionnels. La ligue leur prodigue des soins médicaux en cas de blessures et les soutient financièrement durant leur convalescence. En temps normal, s’ils n’ont pas de salaire fixe, ils ont l’assurance de participer à au moins deux spectacles par mois rémunérés. Catalina Gaspar milite afin que les catcheurs de petites tailles acquièrent, à l’égal de leurs homologues de grandes tailles, un logement et un soutien financier lorsqu’ils se retireront du ring.

     Dans cette ambiance de farce généralisée, il n’est guère étonnant que le dossier nébuleux des extraterrestres ait pu trouver un terrain aussi fertile sur les terres mexicaines. Profitant de la fenêtre médiatique offerte par les aveux sur les ovnis de l’officier David Grusch au congrès américain (26 juillet 2023), le très controversé Jaime Maussan, journaliste autoproclamé ufologue, tente sa chance devant le congrès mexicain le 12 septembre 2023.  Il présente deux petits sarcophages contenant les fossiles des créatures naines et anthropomorphes qui seraient des extraterrestres âgés de 1000 ans.

Le faux alien (momie mutilée de Nazca) de Jaime Maussan au congrès mexicain (Courtoisie Henry Romero, 12 septembre 2023)

     Cependant, une rapide analyse archéologique ne résiste pas à l’examen : ces soi-disant aliens ne sont que de pauvres nourrissons morts en couche ou bien en bas âge dont la culture inca de Nazca a voulu rendre hommage par un processus de momification. Malheureusement, de nombreuses sépultures de cette civilisation Nazca ont été pillées dans les années 1980 et mutilées (ablation des doigts, aplatissement du crâne) afin de cadrer avec l’imagerie extraterrestre, alimentant ainsi les thèses scientologiques. Jaime Maussan n’en était pas à son coup d’essai et présentait déjà ces pauvres créatures de Frankenstein dans le documentaire Unearthing Nazca en 2017.

     La terre mexicaine, fidèle au mouvement de pensée du réalisme magique, nous aura délivré son lot de fantaisies et d’extravagances (fake du président, combat de nains, escroquerie des momies extraterrestres). Pourtant, le réalisme affleure toujours et un dossier archéologique passionnant est là pour nous le rappeler : celui de la femme de Naharon.

     Assemblé entre 2004 et 2008 à partir de fouilles archéologiques dans les cénotes (réseaux de grottes sous-marines) à Naharon (Yucatán), son squelette complet à 80% a révélé qu’elle est décédée vers 25-30 ans, qu’elle mesurait 1,41 mètre et qu’elle pesait une cinquantaine de kilos. Sa datation au carbone 14 révèle un âge de 13600 ans B.P.

Reconstruction faciale de la femme de Naharon à partir du crâne parcellaire

     Selon l’anthropologue Sarah R. Stinnesbeck, qui a étudié le squelette, « le travail effectué est précisément en accord avec les caractéristiques physiques des habitants du Sud de l’Asie, autrement dit, il coïncide avec les analyses ADN et anthropologiques menées sur des fossiles humains retrouvés dans cette région, qui indiquent toutes une ascendance asiatique », (Sarah R. Stinnesbeck et al., « The Muknal cave near Tulum, Mexico : An early-Holocene funeral site on the Yucatán peninsula », The Holocene, 2018, SAGE Publications).

     Les récits concernant les alux, situés dans la péninsule du Yucatán, pourraient-ils s’appuyer sur une réalité tangible ? Pourrait-on, contre toutes attentes, dissiper les brumes du réalisme magique et trouver une correspondance fossile à tous ces récits de duendes ? Si la découverte de la femme de Naharon, authentique pygmée, demeure un premier pas, seules des confrontations plus poussées entre des ossements fossiles et des archives historiques de qualité permettront de répondre à cette épineuse question.

     Chers lecteurs de Strange Reality, merci de m’avoir à nouveau suivi sur ce passionnant dossier couvrant le Mexique et l’Amérique du Sud. Nous nous retrouverons prochainement sur les terres nord-américaines afin de poursuivre notre enquête sur le petit peuple.

2 commentaires

    1. Merci Jean pour cette remarque très pertinente. Les traits africains que vous pressentez pourraient s’expliquer si les alux en question sont de même souche que la femme de Naharon qui présentait des traits archaïques asiatiques anciens (donc certainement australoïdes, qui est de souche africaine archaïque).

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