Almas : les archives oubliées 1

Les travaux de Zhugderiin Damdin

     Après notre enquête sur Vitali Khalkhov et l’obscur Ksi-Gyik d’Asie centrale, nous continuons à exhumer les pages oubliées de l’hominologie, à travers les travaux d’un chercheur mongol méconnu : Zhugderiin Damdin. Cet intrépide homme de terrain est mentionné dans quelques articles cryptozoologiques pour sa contribution à la découverte du second crâne (Bulgan Cranium, 1962) des expéditions de Byambin Richen, autre illustre savant qui fera l’objet de prochains articles. Amateurs de l’étrange, préparez-vous à une épopée vieille d’un demi-siècle, qui nous transporte en Mongolie dans le massif reculé de l’Altaï…

Zhugderiin Damdin

     Sur Damdin, nous ne savons que très peu de choses, si ce n’est qu’il était employé du Muséum d’Etat d’Oulan Bator en 1962. La même année, il découvre le Bulgan Cranium, qui fut une illumination pour lui, et le déclencheur d’une longue quête de l’almas dans les montagnes de l’Altaï de 1962 à 1965.

     Infatigable, Damdin a compilé les résultats de recherche de ses quatre expéditions de terrain (1962-1965) dans un épais manuscrit écrit en mongol (312 pages, 124 photos, 7 schémas), sobrement intitulé Sur la piste de l’almas (1967), désormais égaré ou consumé par la malice du temps, qui dévore toute chose, bien que mentionné de sources sûres par Boris Porchnev, E.B. Zeligman ou encore Michael Trachtengerts. Au même titre que le manuscrit perdu Sur la question de l’homme sauvage (1914) de Vitali Khalkhov, l’équipe de Strange Reality donnera la version la plus complète possible, du destin funeste réservé au manuscrit de Damdin, Sur la piste de l’almas.

Couverture de Sur la piste de l’almas (1967) de Damdin

 L’enquête de Michael Trachtengerts

     Nous devons à la méticulosité de notre collègue russe Michael Trachtengerts (1937-2017) la sauvegarde d’une partie importante de ce travail, notamment à travers une correspondance épistolaire entre Damdin et Boris Porchnev dans laquelle des extraits du manuscrit sont présentés. Laissons la main à Michael Trachtengerts, instigateur de cette redécouverte par les chercheurs russes du manuscrit mongol.

Michael Trachtengerts (1937-2017)A

     « Je pense que mon intention  – de parler au sujet du livre Sur la piste de l’Almas écrit par le chercheur mongol en hominoïdes  Zhugderiin Damdin – est assez piquante car ce livre, aussi loin que je sache, n’a jamais fait l’objet d’une publication officielle. Le manuscrit en mongol a été transféré au professeur Boris Porchnev à sa demande en 1967 et, apparemment, le grand chercheur russe n’avait rien entrepris avec ce document. On ne sait pas où se trouve à présent le manuscrit. Nous n’avons maintenant seulement qu’une traduction réduite en russe des quatre premiers chapitres les plus importants du manuscrit exécutée par N. Munkuev.  Ils contiennent les comptes-rendus des expéditions de Damdin. Le matériel disponible, bien que parcellaire,  montre l’ampleur des expéditions de terrain de Damdin. (version anglaise ici).

     Ce qu’est devenu ensuite le volumineux manuscrit de Damdin est tout à fait mystérieux. De nombreuses questions se posent à son sujet, et tout d’abord: quelles furent les véritables intentions de Boris Porchnev vis-à-vis de ce manuscrit ? Avec ces questions je me suis adressé à des vétérans de l’étude des hominoïdes reliques qui ont collaboré avec le chercheur russe Boris Porchnev.

Les collaborateurs de Boris Porchnev (de gauche à droite) : E.B. Zeligman, Igor Bourtsev, M.J. Koffmann, Dmitri Bayanov, Byambyn Rinchen

     Marie-Jeanne Kofmann : « La présence de ce livre est surprenante et tout à fait nouvelle pour moi. Durant des décennies, Boris Fedorovich et moi nous nous sommes soutenus amicalement et avons établi des contacts. Quand je n’étais pas absente dans une expédition, nous nous appelions pratiquement chaque jour. Il ne m’en a jamais parlé et je ne peux pas
expliquer à présent pourquoi ». Dina Vinogradova m’avait répondu la même chose.

     Dmitri Bayanov : « Je sais qu’un tel livre était présent mais je n’ai pas travaillé avec. »

     A.I. Burtseva : « Je n’ai pas ce manuscrit ».

     E.B. Zeligman et M.G. Bykova sont toutes les deux décédées maintenant. Il m’est toujours difficile de savoir si le manuscrit original est intègre et où il peut se trouver. On ne sait pas pourtant qui a donné l’instruction à N. Munkuev de faire la traduction en russe, ni quand. Je ne sais pas non plus si N. Munkuev était un des chercheurs d’hominoïdes de l’époque, qui connaissait le mongol, ou si c’était tout simplement un interprète professionnel. Aussi, cette traduction russe était-elle connue de Boris Porchnev ? Ou bien a-t-elle été entreprise après sa mort ? Bien des mystères demeurent… »

     Igor Bourtsev : « J’ai vu ce manuscrit après la mort de Boris Porchnev et j’ai même utilisé une de ses images (la pose de l’hominoïde endormi) dans une publication. Je l’ai donné ensuite soit à E.B. Zeligman, soit à M.G. Bykova. ».

– Michael Trachtengerts, 2004

Lettre de Zhugdariin Damdin à Boris Porchnev (20 Juin 1967)

     Cher Professeur Porchnev,

     Mes meilleurs vœux de réussite et de succès pour votre éminent travail scientifique. Moi, un simple chasseur, s’estime heureux de vous écrire cette lettre de la lointaine Mongolie. Votre nom est souvent venu à mes oreilles, mais je n’avais pas encore de raison valable de vous contacter. Désormais, le scientifique soviétique Kulikov, qui est à Oulan-Bator, m’a rencontré et m’a convié à vous écrire une lettre. Si j’avais l’opportunité de vous rencontrer en chair en os, je vous dirai bien des choses. Depuis ma plus tendre enfance, je bèche, je récolte, je chasse, je perfectionne ma langue maternelle et, en 1921, j’ai même combattu pour la Révolution. Depuis, j’ai été dans le service civique, dans le service militaire, puis j’ai commencé mon travail scientifique au Muséum d’Etat d’Oulan-Bator. Donc, depuis ma poursuite de l’almas (l’homme-des-neiges), qui m’intéresse depuis fort longtemps, j’ai passé quatre années dans les montagnes, depuis 1962. Maintenant j’ai rédigé un épais volume au sujet des résultats de mes recherches. Selon vos souhaits, je viens d’envoyer le manuscrit à votre collègue V.V. Kulikov. Le bouquin est composé de 312 pages, 6 chapitres, 124 photos, 4 dessins et des annotations d’Evaline Zeligman et Maya Bykova.

     Merci de tout cœur de m’avoir écouté malgré les milliers de kilomètres qui nous séparent, et d’essayer d’imprimer mon livre dans un pays socialiste. C’est une grande joie dans ma vie ! Le livre était destiné à l’origine à une publication en Mongolie. Ainsi, si vous arrivez à le publier en Russe, certaines répétitions paraitront évidentes pour les lecteurs soviétiques. Néanmoins, les chapitres 1, 2, 3, 4 et 6 sont le résultat de mes observations de terrain, et je pense qu’ils méritent quelques coupures.

     De plus, j’ai en ma possession une longue touffe de poils, obtenu dans des galeries souterraines, où les locaux ont vu un étrange humanoïde mourir, le corps entier recouvert de larges poils. Dans ces montagnes, à une très haute altitude, des excréments d’une origine inconnue ont aussi été trouvés. Dois-je analyser plus profondément ces deux indices ? Je vous prie de me répondre.

     Je n’ai pas toujours fait ce genre de recherches dans ma vie, mais j’y consacre désormais le plus clair de mon temps. Le livre, avec son volume si imposant, est ainsi mon occupation principale ces dernières années. A désormais 68 ans, je serai très heureux si ce livre pouvait être imprimé en URSS. Malgré mon âge avancé, en tant que montagnard et que chasseur, j’espère dévouer le reste de ma vie à la recherche de l’almas, et la publication de ce livre serait très importante pour aider mes futures recherches.

Zhugdariin Damdin

Enseignements du manuscrit

     Les quatre premiers chapitres traduits du mongol en russe par N. Munkuev permettent tout de même de saisir l’ampleur scientifique du travail de terrain  de Damdin. Les quelques croquis sauvegardés permettent de saisir la rigueur du travail anatomique de Damdin à l’égard de l’objet de sa quête, l’almas.

Apparence physique de l’almas selon les témoins
Apparence physique de l’almas selon les témoins
Apparence physique de l’almas selon les témoins
Détails du visage de l’almas selon les témoins

Un témoignage clef enregistré par Damdin

 « Une tâche blanche sur la tête » (Mongolie, mai 1965)

     Ce texte présente le récit d’Elubai Soltanek, un berger d’une seconde brigade à Somon (village) Algan Toogu dans la province d’Aimak, enregistré par l’auteur durant la quatrième expédition en 1964-1965 :

     « C’est arrivé au coucher du soleil du 23 mai 1965. Je dirigeais des moutons au pâturage et j’étais monté sur une colline dans un lieu dénommé Alaq Uzur. Tout à coup, mon cheval grogna et se retourna. J’avais vu un homme, là, à une certaine distance. Quand je l’ai regardé dans les jumelles, j’ai compris que ce n’était pas un homme, mais un animal inhabituel. Il allait sur deux jambes et faisait de larges pas. Il tenait ses mains à hauteur de sa poitrine.  Son cou était épais et sa grosse tête s’abaissait un peu. Il n’y avait aucun vêtement sur son corps. Tout le corps était d’une couleur brun clair. Il semblait que la tête bougeait tout le temps.  De la vue de profil que j’avais de lui, il y avait quelque chose de blanc sur la tête. J’ai crié une fois, mais l’animal ne m’a prêté aucune attention. Bientôt, il disparut en tournant derrière une montagne. Ce n’était ni un animal, ni un humain, simplement une créature humanoïde ».

     Michael Trachtengerts se permet d’ajouter à ce témoignage : « Je suis tombé sur cette observation en feuilletant récemment mes archives. Mon attention se porta directement sur « le quelque chose de blanc sur la tête ». Ma réflexion s’est déplacée sur des détails blancs sur la tête de l’almas que j’ai défini comme des « toupets de poils ». Ceux-ci ont fait l’objet de nombreuses discussions au sein du cercle russe, et maintenant nous connaissons un autre phénomène similaire sur une créature similaire ». NB/Michael Trachtengerts veut évidemment parler de Mecheny , l’hominoïde sibérien marqué.

 L’almas au repos

     Un célèbre croquis de Damdin nous permet d’apprhender les similitudes entre la pose de repos de l’almas de Mongolie et celle du Ksi-Gyik de Dzoungarie.

      Les deux créatures dorment, selon les témoins, « comme des chameaux », c’est-à-dire dans une position très archaïque, très primaire, que l’on peut aisément retrouver chez les nourrissons.

     Même si le manuscrit Sur la piste l’almas (1967) s’avère définitivement perdu dans l’abîme du temps, cela n’enlève en rien le mérite de Zhugderiin Damdin, qui non seulement a obtenu des résultats brillants, mais a aussi écrit un livre-somme au sujet de ses expéditions dans l’Altaï mongol. Malheureusement, le manuscrit n’a pas trouvé à son époque le bon chemin vers l’édition, le public ou la communauté scientifique. Ainsi, ils nous semblaient importantde redistribuer les quelques bribes du manuscrit de Damdin aux communautés actuelles de la cryptozoologie, de l’anthropologie, de la paléanthropologie, etc. La « traque » de l’énigmatique et troublant almas de Mongolie ne fait que débuter sur Strange Reality !

9 commentaires

  1. Extraordinaire , émouvant et d’une certaine manière , glaçant.
    Extraordinaire parce qu’un travail aussi important a été ignoré de presque tous jusqu’ici.
    Emouvant puisque cet article redonne vie d’une certaine manière à DAMDIN , dont j’ignorais jusqu’au nom.
    Glaçant car ses recherches ont subi le même sort que celles de KHALKOV , et je crains que l’énorme travail de M-J KOFFMANN soit également perdu à sa disparition.

    Ceci dit l’attitude de PORSHNEV est incompréhensible.

    Et la traduction anglaise n’est pas rigoureuse ( noms , lieux…..) , ce qui fait d’autant plus regretter la disparition du manuscrit d’origine.

    J. ERB

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  2. Merci beaucoup Mr Erb pour vos encouragements et vos éléments de réflexion.

    Je pense aussi au travail méconnu du pauvre Vladimir Pouchkarev, qui s’est embarqué à la recherche du Leshy dans l’inhospitalière et glacée Sibérie… J’ai récolté quelques documents épars sur les travaux de cet homme, en russe et en anglais, et j’aimerai bien arriver un jour à une synthèse globale de son remarquable travail.

    Tous ces chercheurs acharnés (Khalkhov, Damdin, Pouchkarev et bien d’autres) méritent une attention soutenue.

    Amitiés,

    Florent

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